jeudi 21 mai 2009

Chapitre 8

Chapitre 8

Étrange enfance


- Partie 1 -



La première fois que mon cœur a soudainement battu plus intensément, sans en connaître l'étrange raison, remonte à mon enfance, berceau de bien des douleurs mais aussi de merveilleuses et immortelles découvertes. Les premières lèvres d'une fille qui se sont posées sur les miennes, moment magnifié par ma mémoire quelque peu arrangeante, ont définitivement bouleversé l'ordre des choses que le petit garçon que j'étais alors s'imaginait, me faisant découvrir ce que j'ignorais encore et que l'on appelait communément "l'amour"...

Ce premier baiser chaste mais troublant est probablement à l'origine de mon grand attrait pour la gente féminine, tant elle fut pour moi un moteur dans ma vie, une vraie lotion revigorante, une incroyable carte aux trésors et surtout la porte d'entrée fantasmagorique d'or et de lumière vers de somptueux univers, étranges et précieux. Depuis ce mémorable jour, jamais plus je n'ai douté de la nécessité de ce partage avec une fille, véritable accélérateur de pensées magnifiques et créateur d'émotions dont l'intensité allait au fil de ma vie causer de terribles déceptions et d'immondes trahisons.

Grâce à ces filles, j'ai appris à contenir ma douleur, l'intégrant de façon perverse, comme une composante naturelle et inévitable dans mes relations amantes.

Voici donc l'histoire de mon premier baiser enfantin, forcément embelli par les années et le regard que je lui porte aujourd'hui, mais le cheminement dès plus particuliers en fait, et en fera, une des plus belles expériences de ma vie alors naissante...


A proximité de la maison de mes parents, se dressait une ancienne ferme habitée jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale et depuis réputée hantée...

Dans cette bâtisse vivait un couple sans enfants et lorsque la guerre éclata le mari parti au front. Après plusieurs années la femme n'eut plus aucune nouvelle de son époux et fini par tomber amoureuse d'un soldat allemand. Quand arriva la fin des hostilités, quelques temps après, le mari revint vers son foyer et découvrit que sa femme l'avais remplacé, qui plus est par un soldat ennemi...
Prit d'un accès de rage meurtrier, il tua le nouveau compagnon de sa femme, puis pendit cette dernière à l'énorme poutre traversant la pièce principale. Puis, probablement fou de chagrin, il se pendit à son tour, au côté de celle qu'il n'avait jamais cessé d'aimer...

Après quelques jours, un voisin fermier, s'inquiétant du bruit des vaches, découvrit avec horreur, les trois cadavres dans la maison. Il parti prévenir la police et au retour, le corps de la femme avait disparu........l'histoire se transformant alors en légende.


Ayant entendu les anciens du village plusieurs fois conter cette histoire, passionnante, excitante et effrayante surtout pour un enfant de 7 ans, chaque fois que je passais devant la maison abandonnée, en rentrant chez moi, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un frisson parcourir mon échine. Par une belle après-midi, avec deux camarades de jeu, nous décidâmes d’entrer dans cette maison hantée, persuadés que les corps étaient encore présents.


Devant la maison il y avait une cour intérieure, envahie par les herbes folles et les ronces gardiennes de l'entrée principale. A peine avions nous mis les pieds dans cette cour que nous cessâmes de parler, gardant un étrange silence, comme si nous venions de pénétrer dans un lieu sacré.

Faisant face à l'imposante bâtisse nous restâmes là, le souffle court et les yeux écarquillés.

La ferme s'élevait sur un étage et semble-t-il un grenier, que l'on pouvait aisément deviner par le biais de cette poutrelle métallique recouverte par la rouille, dépassant d'une ouverture béante, qui a une certaine époque devait soutenir tout un système de cordage et de poulie afin d'acheminer par la voie des airs, aliments ou foin pour le bétail a stocker dans cet endroit sombre et clos niché sous le grand toit pentu, dont les tuiles absentes laissaient la lumière envahir cette partie de la maison.

Au premier étage, il y avait deux fenêtres, une était obstruée par des planches maladroitement clouées afin de ne pas laisser la lumière s'infiltrer à l'intérieur, comme pour mieux protéger un lourd secret ou mieux, l'antre du fantôme de la femme pendue, quand à l'autre elle avait conservé ses volets mais l'un était ouvert et laissait entrevoir une fenêtre au carreaux brisés. Entre ces deux orifices, une vigne sauvage recouvrait presque intégralement la façade, délavée par la pluie et le vent au fil du temps,, sortant de terre au pied de l'édifice et achevant sa course folle près des premières poutres apparentes sous la toiture.

Au rez-de-chaussée, il y a avait également deux fenêtres et entre elles une porte. L'endroit que nous fixions tous les trois à présent. Les trois ouvertures semblaient condamnées par de lourdes planches en bois solidement clouées et dont la vétusté des petits morceau de rouille émergeant du bois, nous laissait imaginer que depuis très longtemps, plus personne ne s'était introduit dans ces lieux funestes.

Là, debout et immobile face à la porte, nous échangeâmes un regard, mélange d'inquiétude et de confirmation quand à notre réelle volonté de violer la tranquillité de ces lieux. Très certainement nous aurions rebroussé chemin si l'un d'entre nous avait eu la force de prononcer un mot, mais nous étions là, silencieux face à cette porte.

Je pris les devant au bout d'un long moment me semble-t-il et au contact de la première planche, je frémis de tout mon être : en tirant un peu, celle-ci bougeait. Après m'avoir observé, et voyant qu'il existait là, dans le manque de résistance de cette barrière de bois aux clous abîmés, ils vinrent me prêter main forte. A trois nous réussîmes à faire céder, non pas une mais deux planches, qui tombèrent lourdement à nos pieds, se délestant par la même occasion de leurs attaches inefficaces et totalement inutiles à présent.


En s'agenouillant, nous pouvions atteindre la clenche de fer, vétuste et rouillée elle aussi, mais avec la certitude que cette dernière résisterait et mettrait fin à notre folle expédition. Mais à notre grande surprise, celle-ci, céda avec une facilité déconcertante, comme si elle attendait ce moment telle une véritable libération, afin pour une derrière fois tenir son rôle.


La porte s'entrouvrit mais pas totalement. Quelque chose semblait empêcher son ouverture complète, mais dans l'espace libéré par notre poussée, nous pouvions nous glisser à l'intérieur, ce qu'un adulte n'aurait probablement pas réussi à faire.

Nous nous extirpâmes de cette étroite ouverture, découvrant que le fameux obstacle empêchant l'ouverture n'était qu'un morceau du parquet, relevé et s'appuyant contre la porte, et découvrîmes avec stupeur l'intérieur impressionnant de la maison.

Nous étions dans ce qui semblait être la pièce principale, une grande salle dominée au fond par une grande cheminée dont le foyer semblait pouvoir recevoir un arbre entier dans son antre.

Au milieu trônait une grande table en bois massif et quelques chaises renversées, recouvertes de poussière et d'une imposante multitude de toiles d'araignées, qui d'ailleurs recouvraient en grande partie cet univers d'obscurité partielle et de silence assourdissant.

Mais nos yeux enfantins, déjà étaient attiré par ce qui se trouvait au-dessus de nous. Lentement je levait la tête, doucement j'aventurais mon regard vers le plafond, jusqu'à l'énorme poutre qui s'y trouvait, parcourant l'espace de part en part.


Mi effrayé, mi-excité, je découvris, non sans un étrange mélange de déception et de satisfaction, qu'aucun corps désincarné ne pendait là. Je regardais mes compagnons et pour la première fois je vis se dessiner sur leur visage un sourire.

Bientôt ils se mirent à rigoler franchement et s'activer dans cette grande pièce, pourchassant ici une araignée trop curieuse, fouillant les moindres recoins comme si il y avait en ces funestes lieux quelque trésor inestimable caché. Mais moi je conservais mon silence, aussi curieusement que cela puisse paraître, je ressentais une curieuse impression dans cet endroit inhabité et pourtant encore tellement plein de choses du passé qui semblaient, non pas être mortes ou abîmées, mais paraissaient attendre que quelqu'un revienne ici afin de leur redonner vie.


Dans l'air ambiant, la poussière semblait follement s'amuser avec les rayons que la lumière projetait à travers les fines ouvertures laissées libres entre les planches condamnant les fenêtres. Les rires de mes camarades me parvenaient, mais comme étouffés, comme si dans cette pièce, les sons étaient ralentis ou plus précisément, me parvenaient au travers d'un mur invisible, béton de particules mortes.


Je m'avançais dans cet endroit, m'approchant de l'énorme cheminée, les sens en éveil, humant cette odeur particulière que possèdent ces maisons trop longtemps laissées à l'abandon, sans aucune âme vivante pour les réchauffer, posant mon regard sur chaque pierre composant les solides murs de cette bâtisse, écoutant le moindre bruit inconnu ou suspect, laissant mes doigts aventuriers, frôler les meubles anciens.


Arrivé face à la cheminée, moi petit garçon du haut de mes sept ans, je restais comme paralysé par l'impression de puissance et de grandeur que me faisait ressentir ce monument dédié aux gigantesques flammes, que j'imaginais dansant les soir d'hiver, s'élevant jusqu'en haut du conduit, essayant de s'évader par l'étroite cheminée tout là-haut sur le toit craquant sous le poids du manteau de neige immaculé, léchant les parois de pierres taillées et diffusant une chaleur réconfortante et protectrice, qu'il me semblait ressentir à cet instant. Je détournais mon regard de ce fabuleux spectacle invisible et avec stupeur, découvrais sur ma gauche, le long du mur, un escalier...


Comment avais-je fais pour ne pas l'apercevoir, tout comme mes amis d'ailleurs. Je m'approchais lentement de lui et posais ma main sur sa rampe, froide et recouverte de poussière, mais paraissant encore solide. Les marches par contre n'avaient pas résisté à l'usure du temps, ou devenues tout simplement inutiles, avaient abandonnée tout espoir de supporter le poids amical d'un corps, l'aidant à parvenir au premier étage.


Je posais le pied sur la première marche, doucement, très lentement, m'attendant à voir mon petit pied à traverser cette surface sombre de bois pourri, mais une fois de plus je fut étonné : je me tenais debout sur la première marche qui résistait malgré son sinistre craquement.

Je posais ma main plus loin sur la rampe et elle se mit à très nettement à bouger, me faisant alors une légère frayeur, car déjà mon pied s'élançait à la conquête de la seconde marche.

M'immobilisant, je relevais la tête afin de m'assurer d'un regard que la rampe n'allait pas céder sous mes efforts, remontant mes yeux jusqu'à son arrivée sur le palier supérieur, où pensais-je elle devait être fixée à un mur, je découvris que quelqu'un, quelque chose se tenait là, juste au-dessus de moi, immobile, silencieux mais pourtant bien présent.

Je ne saurais dire avec exactitude si ce moment fut bref ou pas, mais il fut assez intense pour faire bondir mon cœur hors de ma petite poitrine d'enfant, m'empêchant le moindre mouvement, pas même celui pourtant naturel des paupières.

En haut, comme dans une étrange vision, au milieu des poussières dansant dans la lumière provenant probablement du toit percé ou de la fenêtre au volet ouvert, un visage me fixait, une femme me sembla-t-il, mais là je ne saurais dire si à cet instant, le sentiment d'excitation procuré par cette aventure et la légende concernant l'endroit où je me trouvais, n'influencèrent pas mon jugement...


Retrouvant mystérieusement mes forces, je me mis à reculer jusqu'à me cogner la tête contre le mur derrière moi et qui à son contact me fit bondir malgré la douleur qui émanait de mon crâne, en fait un trou d'où le sang allait abondamment s'extirper et dont la cicatrice encore présente et bien visible, est la seule preuve irréfutable de mon expédition, je me précipitais dans la pièce vers la porte, criant quelque chose en passant près de mes amis, probablement surpris voir effrayés par mon étrange comportement, et réussissais à sortir de la maison en raclant la porte avec mes genoux dénudés par le port d'un short , furent immanquablement égratignés.


Je me retrouvais dans la cour et courant à perdre haleine, je ne me retournais pas de peur de voir à la fenêtre ce visage, ne m'arrêtant que sur le pas de la porte de ma maison où quelques instant après mes camarades me rejoignirent, amenant avec un eux leur flot de questions et d’incompréhension...

2 commentaires:

  1. Magnifique! j'ai l'impression de revivre mes propres découvertes d'enfant, et les expéditions secrètes avec mes amis! Je me souviens que nous partîmes une fois à plusieurs dans les égôuts du village pensant y trouver la "Dame Blanche"! Ben entendu, il y en a toujours un qui fait peur aux autres et qui certifie sur son honneur l'avoir vu! A cet âge on est prêt à croire à tout, privilège de l'enfance, et ces moments où l'on se fait peur à soi-même sont d'une grande richesse. Souvent, d'ailleurs, même si nos cervelles d'adultes nous commandent que nous n'avions en fait rien vu, quelque chose persiste à nous laisser croire que c'était bien réel. Et pourquoi ne pas continuer à y croire. C'est cette part-là de moi que je regrette en vieillissant...
    Mille fois merci à toi Juan pour avoir ravivé ces souvenirs et ces sensations à travers ce texte.
    A très bientôt, donc... ;)

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  2. Merci beaucoup pour ce compliment Marie !
    Il me va droit au cœur ^^
    Effectivement je pense que nous avons tous ce genre de souvenirs quelque part au fond de nos mémoires. Peu importe la part de véracité et la part romancée, ce qui compte est de toujours conserver une petite place à l'enfant qui vit en nous.
    Le fait de vieillir n'est qu'une tromperie que notre corps nous fait afin de ne pas nous laisser d'une forme de candeur et d'innocence pourtant bien présente en nous.
    En tout cas je reste persuadé que ce que j'ai affronté dans cette vieille maison à vraiment existé, d'une façon ou une autre.
    Et le petit Juan qui est encore à mes côtés lui y croit dur comme fer...
    A bientôt Marie par ici dans cette maison vétuste ou par là dans cet hôpital au milieu de l'été...

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