samedi 6 juin 2009

Chapitre 9

Chapitre 9

Étrange enfance

- Partie 2 -


Quand le lendemain la cloche sonna l'heure de la récréation, je fus comme je m'y attendais la victime de nombreux quolibets et autres moqueries de la part de mes petits camarades de jeu. A ma grande surprise, une seule personne vint me réconforter : Isabelle !

Cette fille dont j'étais secrètement fou amoureux et dont j'avais déjà imaginé mille et une formidables aventures qui m'auraient permis de l'aborder en véritable héros à ses yeux, la laissant pantoise d'admiration, mais sans jamais oser affronter son regard insouciant et parfois espiègle plus d'une demi seconde. J'étais persuadé qu'elle rirait de l'aventurier fantoche que j'étais. Je restais là à la regarder et elle fini par attraper ma main qu'elle secoua, comme pour me sortir de cette léthargie qui m'avait transformé en petit soldat de pierre.

"Tu m'emmèneras voir le fantôme, dis ?", ces mots s'envolèrent de sa petite bouche souriante où tant de fois je m'imaginais déposer un chaste baiser, tel un preux chevalier ayant combattu vaillamment le dragon et finalement réussi à la délivrer du joug de quelconques horribles messires malintentionnés, volute de doux nuages où s'amusaient de formidables oiseaux blancs, là-haut, tout là-haut...
Elle me secoua une fois encore la main et me dit avec une certaine insistance "Alors tu veux bien m'emmener avec toi ?"...
Je m'entendis lui répondre comme dans un songe dont je n'étais que le simple spectateur, emmitouflé dans mon armure de coton, "Oui, bien sur...."
Elle m'offrit un merveilleux sourire, se retourna et s'en alla rejoindre ses amies à l'autre bout de la cour. Je restais là, immobile, ignorant les autres enfants persifleurs. Isabelle occupait tout mon horizon, elle était mon horizon, univers rougeoyant du lever au coucher de l'astre flamboyant...

Deux semaines passèrent et arriva un samedi après-midi mémorable : j'allais emmener ma promise dans cette maison hantée, tel le preux chevalier dont je rêvais, prêt à affronter mes peurs pour la protéger de ce lieu ensorcelé et dont je gardais en mémoire, comme une vive brûlure, l'apparition à laquelle il m'avait semblé assister.
L'excitation se mêlant à une certaine peur provoqua en moi une terrible appréhension quand Isabelle et moi nous nous retrouvâmes face à la vieille demeure.
Mais je ne pouvais défaillir en présence de ma dulcinée, chose inimaginable pour le petit chevalier imaginaire que j'étais !
D'un pas que je voulais assuré, je l'entraînais donc à l'intérieur de la bâtisse, nous faufilant par l'entrebâillement que mes camarades et moi avions créés la première fois.
Mon cœur battait à tout rompre, enveloppant ma tête d'une brume de frayeur et de crainte mais que la seule présence de mon amie parvenait à dissoudre.

Nous étions là tous les deux, loin de tout, dans un univers de silence pesant et étouffant et de poussière dont l'univers s'étendait des fissures des volets aux murs de chaux dont un trait de lumière révélait les frontières entre l'obscurité et leur royaume.
Seuls, l'un à côté de l'autre, nous regardions sans un mot cet endroit dont le maléfice semblait agir sur nous, non pas en nous effrayant, mais curieusement nous offrait un savoureux mélange de malaise et d'apaisement. Je me dirigeais vers les escaliers, avec cette idée en tête de découvrir enfin si cette apparition était simplement l'œuvre de mon imagination débordante ou si elle était encore là, juste au bout de cette rampe au bois dévoré par les vers.

J'arrivais presque au bas de l'escalier quand je sentit la main de Isabelle venir chercher refuge dans la mienne, comme si la petite prison de chair qu'offrait mes doigts barreaux pouvait la rassurer, la protéger. Je lui jetais un regard interrogateur et elle me répondit par un petit sourire où l'inquiétude et une certaine forme de gratitude étaient mêlées. Je serais mon étreinte sur sa main plus petite que la mienne et dont le simple contact, doux et chaud, me redonna du courage pour affronter ce moment de vérité.

Je m'imaginais déjà découvrant avec effroi ce visage fantomatique en haut de l'escalier, visage qui probablement ouvrirait sa bouche puis émettrait un cri terrifiant qui me glacerait le sang, me paralyserait sur le champ, permettant au corps de ce spectre avec ses longs bras froid et ses grandes mains osseuses d'attraper le petit bambin que j'étais à présent au fond de moi.

Mais là-haut, je ne vis que le mur du fond, où dansaient les particules de poussières au milieu du rayon magique de la lumière s'infiltrant par les volets en triste état du premier étage.
Je passais le premier sur les vieux escaliers vermoulus qui, grâce au faible poids de nos deux corps enfantins, ne cédèrent pas. A chaque marche gravie, j'aidais Sabine a se hisser à ma hauteur. Après un périple excitant et presque joyeux, nous arrivâmes à l'étage où le sol semblait en bien meilleur état que le reste de la maison, nous fument comme rassuré et émerveillé par la vision qui s'offrait à nous.

Les murs, dont la tapisserie se détachait en lambeaux, lui donnant l'air d'une vieille peau pelant après une trop longue exposition au soleil, étaient recouverts par de nombreux tableaux et d'anciennes photographies aux couleurs passées. Nous restâmes un long moment en contemplation devant ces portraits d'autrefois dont le calme et la sérénité nous offraient un répit dans l'excitation de notre exploration.

Ma compagne m'attira alors vers un petit couloir menant à deux grandes pièces mais auxquelles nous ne pouvions accéder tant les sols étaient en mauvais état. A travers le parquet abîmé nous arrivions à entrapercevoir la pièce centrale du rez-de-chaussée, grâce au peu de lumière que laissait entrer les volets clos.

Si la première pièce n'offrait aucun intérêt, elle était vide et très sombre, la seconde en revanche possédait un seul et unique objet trônant au centre de ce lieu, balayé par plusieurs rayon de lumière et totalement sous l'emprise des poussières volantes, qui semblaient s'entrelacer comme mues par un souffle invisible, une chaise à bascule dont le dossier semblait très haut et les accoudoirs très larges.
Isabelle me tira par ma chemise et retourna sur le palier admirer les œuvres murales. Je m'apprêtais à la rejoindre quand une chose curieuse attira mon regard, que je n'avais pas remarqué au premier abord mais qui pourtant était bel et bien là sous mes yeux : sur la chaise à bascule, il y avait quelqu'un...

Juste au niveau de cette chaise dont je ne pouvais voir que la partie arrière, un trait de lumière déchirait l’obscurité de la pièce, projetant les particules de poussière vers le sol et dessinant une très étrange géométrie des lieux. Dépassant de l’accoudoir gauche, il me semblait apercevoir comme un objet métallique, assez long et plutôt fin, on aurait dit une aiguille à tricoter. Je réalisais alors que là, sur ce fauteuil, dont étrangement il me semblait voir un mouvement de basculement lent, presque imperceptible, mais pourtant bien réel, quelqu’un était assis, tricotant dans un silence presque apaisant.

Je restais là, immobile, mais très étrangement je ne ressentais ni inquiétude, ni frayeur. L’impression curieuse et troublante qu’ici je ne risquais rien, que ma présence était tolérée. Comme si suintant des murs défraîchis, sortant des planchers moisis, des vagues invisibles s’élançaient avec une douceur infinie et une précaution amicale pour enlacer le petit corps fragile que j’étais, m’enveloppant dans une sensation de plénitude où je pouvais me blottir afin d’y recueillir une certaine forme d’affection.

Je me tournais vers Isabelle, occupée à regarder les étranges gravures murales, mais alors que je m’apprêtais à l’appeler, je changeais d’avis, persuadé que la magie de cet instant unique et presque fantasmagorique, serait gâché par toute forme de partage, comme si cet instant gravé à jamais en moi, serait un secret précieux et tendre entre cette dame dans cette vieille bâtisse et le petit garçon que j’étais, que je suis, malgré tout ce que la vie m’aura imposé, pressée qu’elle était de me faire grandir pour m’éloigner de mon intime et inestimable trésor, boite de Pandore qui s’entrouvre enfin, aujourd’hui que la nuit me semble de plus en plus longue et que les matins blêmes se font blessants .

Soudainement pris par une incontrôlable pulsion, j’attrapais ma compagne par la main et sans prendre aucune précaution je l’entraînait dans l’escalier, traversant en un éclair la grande salle du rez-de-chaussée pour nous retrouver dans la cour, hors de toute emprise, où nos rires enfantins enfin se libéraient, s’envolant très haut dans les cieux, tels de fantastiques oiseaux blancs s’enlaçant sous les nuages, les traversant pour se cacher loin de tout regard indiscret.

Arrivés devant chez moi, les visages radieux d’un bonheur partagé, les yeux illuminés par cette joie partagée, nous restâmes là, sans rien dire, reprenant notre souffle, calmant la brûlure de nos petites poitrines dont l’association de l’effort et des rires incessant nous offrait un merveilleux vertige. Les mains sur les hanches, mes yeux n’arrivant plus à se détacher de ceux d’Isabelle, je sentais les pulsations de mon cœur s’intensifier et si à cet instant j’aurais eu l’idée de porter mon regard sous mon petit chandail, je suis persuadé que j’aurais entraperçu ses mouvement sous ma peau.

Isabelle me dit alors qu’elle devait rentrer car il était déjà tard et avant que je ne puisse répondre à cette terrible annonce qui semblait totalement inappropriée tant je désirais que cet instant se prolonge, elle s’avança et déposa un doux baiser sur mes lèvres.
Elle me regarda, me sourit et s’en alla brusquement, me laissant là, incapable de faire le moindre mouvement tant mes membres semblaient lourds et inutiles mais pourtant en moi mon être tout entier n’aspirait qu’à une chose : la rattraper avant qu’elle ne disparaisse au coin de la rue, comme si cet instant jamais plus n’existerait…

jeudi 21 mai 2009

Chapitre 8

Chapitre 8

Étrange enfance


- Partie 1 -



La première fois que mon cœur a soudainement battu plus intensément, sans en connaître l'étrange raison, remonte à mon enfance, berceau de bien des douleurs mais aussi de merveilleuses et immortelles découvertes. Les premières lèvres d'une fille qui se sont posées sur les miennes, moment magnifié par ma mémoire quelque peu arrangeante, ont définitivement bouleversé l'ordre des choses que le petit garçon que j'étais alors s'imaginait, me faisant découvrir ce que j'ignorais encore et que l'on appelait communément "l'amour"...

Ce premier baiser chaste mais troublant est probablement à l'origine de mon grand attrait pour la gente féminine, tant elle fut pour moi un moteur dans ma vie, une vraie lotion revigorante, une incroyable carte aux trésors et surtout la porte d'entrée fantasmagorique d'or et de lumière vers de somptueux univers, étranges et précieux. Depuis ce mémorable jour, jamais plus je n'ai douté de la nécessité de ce partage avec une fille, véritable accélérateur de pensées magnifiques et créateur d'émotions dont l'intensité allait au fil de ma vie causer de terribles déceptions et d'immondes trahisons.

Grâce à ces filles, j'ai appris à contenir ma douleur, l'intégrant de façon perverse, comme une composante naturelle et inévitable dans mes relations amantes.

Voici donc l'histoire de mon premier baiser enfantin, forcément embelli par les années et le regard que je lui porte aujourd'hui, mais le cheminement dès plus particuliers en fait, et en fera, une des plus belles expériences de ma vie alors naissante...


A proximité de la maison de mes parents, se dressait une ancienne ferme habitée jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale et depuis réputée hantée...

Dans cette bâtisse vivait un couple sans enfants et lorsque la guerre éclata le mari parti au front. Après plusieurs années la femme n'eut plus aucune nouvelle de son époux et fini par tomber amoureuse d'un soldat allemand. Quand arriva la fin des hostilités, quelques temps après, le mari revint vers son foyer et découvrit que sa femme l'avais remplacé, qui plus est par un soldat ennemi...
Prit d'un accès de rage meurtrier, il tua le nouveau compagnon de sa femme, puis pendit cette dernière à l'énorme poutre traversant la pièce principale. Puis, probablement fou de chagrin, il se pendit à son tour, au côté de celle qu'il n'avait jamais cessé d'aimer...

Après quelques jours, un voisin fermier, s'inquiétant du bruit des vaches, découvrit avec horreur, les trois cadavres dans la maison. Il parti prévenir la police et au retour, le corps de la femme avait disparu........l'histoire se transformant alors en légende.


Ayant entendu les anciens du village plusieurs fois conter cette histoire, passionnante, excitante et effrayante surtout pour un enfant de 7 ans, chaque fois que je passais devant la maison abandonnée, en rentrant chez moi, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un frisson parcourir mon échine. Par une belle après-midi, avec deux camarades de jeu, nous décidâmes d’entrer dans cette maison hantée, persuadés que les corps étaient encore présents.


Devant la maison il y avait une cour intérieure, envahie par les herbes folles et les ronces gardiennes de l'entrée principale. A peine avions nous mis les pieds dans cette cour que nous cessâmes de parler, gardant un étrange silence, comme si nous venions de pénétrer dans un lieu sacré.

Faisant face à l'imposante bâtisse nous restâmes là, le souffle court et les yeux écarquillés.

La ferme s'élevait sur un étage et semble-t-il un grenier, que l'on pouvait aisément deviner par le biais de cette poutrelle métallique recouverte par la rouille, dépassant d'une ouverture béante, qui a une certaine époque devait soutenir tout un système de cordage et de poulie afin d'acheminer par la voie des airs, aliments ou foin pour le bétail a stocker dans cet endroit sombre et clos niché sous le grand toit pentu, dont les tuiles absentes laissaient la lumière envahir cette partie de la maison.

Au premier étage, il y avait deux fenêtres, une était obstruée par des planches maladroitement clouées afin de ne pas laisser la lumière s'infiltrer à l'intérieur, comme pour mieux protéger un lourd secret ou mieux, l'antre du fantôme de la femme pendue, quand à l'autre elle avait conservé ses volets mais l'un était ouvert et laissait entrevoir une fenêtre au carreaux brisés. Entre ces deux orifices, une vigne sauvage recouvrait presque intégralement la façade, délavée par la pluie et le vent au fil du temps,, sortant de terre au pied de l'édifice et achevant sa course folle près des premières poutres apparentes sous la toiture.

Au rez-de-chaussée, il y a avait également deux fenêtres et entre elles une porte. L'endroit que nous fixions tous les trois à présent. Les trois ouvertures semblaient condamnées par de lourdes planches en bois solidement clouées et dont la vétusté des petits morceau de rouille émergeant du bois, nous laissait imaginer que depuis très longtemps, plus personne ne s'était introduit dans ces lieux funestes.

Là, debout et immobile face à la porte, nous échangeâmes un regard, mélange d'inquiétude et de confirmation quand à notre réelle volonté de violer la tranquillité de ces lieux. Très certainement nous aurions rebroussé chemin si l'un d'entre nous avait eu la force de prononcer un mot, mais nous étions là, silencieux face à cette porte.

Je pris les devant au bout d'un long moment me semble-t-il et au contact de la première planche, je frémis de tout mon être : en tirant un peu, celle-ci bougeait. Après m'avoir observé, et voyant qu'il existait là, dans le manque de résistance de cette barrière de bois aux clous abîmés, ils vinrent me prêter main forte. A trois nous réussîmes à faire céder, non pas une mais deux planches, qui tombèrent lourdement à nos pieds, se délestant par la même occasion de leurs attaches inefficaces et totalement inutiles à présent.


En s'agenouillant, nous pouvions atteindre la clenche de fer, vétuste et rouillée elle aussi, mais avec la certitude que cette dernière résisterait et mettrait fin à notre folle expédition. Mais à notre grande surprise, celle-ci, céda avec une facilité déconcertante, comme si elle attendait ce moment telle une véritable libération, afin pour une derrière fois tenir son rôle.


La porte s'entrouvrit mais pas totalement. Quelque chose semblait empêcher son ouverture complète, mais dans l'espace libéré par notre poussée, nous pouvions nous glisser à l'intérieur, ce qu'un adulte n'aurait probablement pas réussi à faire.

Nous nous extirpâmes de cette étroite ouverture, découvrant que le fameux obstacle empêchant l'ouverture n'était qu'un morceau du parquet, relevé et s'appuyant contre la porte, et découvrîmes avec stupeur l'intérieur impressionnant de la maison.

Nous étions dans ce qui semblait être la pièce principale, une grande salle dominée au fond par une grande cheminée dont le foyer semblait pouvoir recevoir un arbre entier dans son antre.

Au milieu trônait une grande table en bois massif et quelques chaises renversées, recouvertes de poussière et d'une imposante multitude de toiles d'araignées, qui d'ailleurs recouvraient en grande partie cet univers d'obscurité partielle et de silence assourdissant.

Mais nos yeux enfantins, déjà étaient attiré par ce qui se trouvait au-dessus de nous. Lentement je levait la tête, doucement j'aventurais mon regard vers le plafond, jusqu'à l'énorme poutre qui s'y trouvait, parcourant l'espace de part en part.


Mi effrayé, mi-excité, je découvris, non sans un étrange mélange de déception et de satisfaction, qu'aucun corps désincarné ne pendait là. Je regardais mes compagnons et pour la première fois je vis se dessiner sur leur visage un sourire.

Bientôt ils se mirent à rigoler franchement et s'activer dans cette grande pièce, pourchassant ici une araignée trop curieuse, fouillant les moindres recoins comme si il y avait en ces funestes lieux quelque trésor inestimable caché. Mais moi je conservais mon silence, aussi curieusement que cela puisse paraître, je ressentais une curieuse impression dans cet endroit inhabité et pourtant encore tellement plein de choses du passé qui semblaient, non pas être mortes ou abîmées, mais paraissaient attendre que quelqu'un revienne ici afin de leur redonner vie.


Dans l'air ambiant, la poussière semblait follement s'amuser avec les rayons que la lumière projetait à travers les fines ouvertures laissées libres entre les planches condamnant les fenêtres. Les rires de mes camarades me parvenaient, mais comme étouffés, comme si dans cette pièce, les sons étaient ralentis ou plus précisément, me parvenaient au travers d'un mur invisible, béton de particules mortes.


Je m'avançais dans cet endroit, m'approchant de l'énorme cheminée, les sens en éveil, humant cette odeur particulière que possèdent ces maisons trop longtemps laissées à l'abandon, sans aucune âme vivante pour les réchauffer, posant mon regard sur chaque pierre composant les solides murs de cette bâtisse, écoutant le moindre bruit inconnu ou suspect, laissant mes doigts aventuriers, frôler les meubles anciens.


Arrivé face à la cheminée, moi petit garçon du haut de mes sept ans, je restais comme paralysé par l'impression de puissance et de grandeur que me faisait ressentir ce monument dédié aux gigantesques flammes, que j'imaginais dansant les soir d'hiver, s'élevant jusqu'en haut du conduit, essayant de s'évader par l'étroite cheminée tout là-haut sur le toit craquant sous le poids du manteau de neige immaculé, léchant les parois de pierres taillées et diffusant une chaleur réconfortante et protectrice, qu'il me semblait ressentir à cet instant. Je détournais mon regard de ce fabuleux spectacle invisible et avec stupeur, découvrais sur ma gauche, le long du mur, un escalier...


Comment avais-je fais pour ne pas l'apercevoir, tout comme mes amis d'ailleurs. Je m'approchais lentement de lui et posais ma main sur sa rampe, froide et recouverte de poussière, mais paraissant encore solide. Les marches par contre n'avaient pas résisté à l'usure du temps, ou devenues tout simplement inutiles, avaient abandonnée tout espoir de supporter le poids amical d'un corps, l'aidant à parvenir au premier étage.


Je posais le pied sur la première marche, doucement, très lentement, m'attendant à voir mon petit pied à traverser cette surface sombre de bois pourri, mais une fois de plus je fut étonné : je me tenais debout sur la première marche qui résistait malgré son sinistre craquement.

Je posais ma main plus loin sur la rampe et elle se mit à très nettement à bouger, me faisant alors une légère frayeur, car déjà mon pied s'élançait à la conquête de la seconde marche.

M'immobilisant, je relevais la tête afin de m'assurer d'un regard que la rampe n'allait pas céder sous mes efforts, remontant mes yeux jusqu'à son arrivée sur le palier supérieur, où pensais-je elle devait être fixée à un mur, je découvris que quelqu'un, quelque chose se tenait là, juste au-dessus de moi, immobile, silencieux mais pourtant bien présent.

Je ne saurais dire avec exactitude si ce moment fut bref ou pas, mais il fut assez intense pour faire bondir mon cœur hors de ma petite poitrine d'enfant, m'empêchant le moindre mouvement, pas même celui pourtant naturel des paupières.

En haut, comme dans une étrange vision, au milieu des poussières dansant dans la lumière provenant probablement du toit percé ou de la fenêtre au volet ouvert, un visage me fixait, une femme me sembla-t-il, mais là je ne saurais dire si à cet instant, le sentiment d'excitation procuré par cette aventure et la légende concernant l'endroit où je me trouvais, n'influencèrent pas mon jugement...


Retrouvant mystérieusement mes forces, je me mis à reculer jusqu'à me cogner la tête contre le mur derrière moi et qui à son contact me fit bondir malgré la douleur qui émanait de mon crâne, en fait un trou d'où le sang allait abondamment s'extirper et dont la cicatrice encore présente et bien visible, est la seule preuve irréfutable de mon expédition, je me précipitais dans la pièce vers la porte, criant quelque chose en passant près de mes amis, probablement surpris voir effrayés par mon étrange comportement, et réussissais à sortir de la maison en raclant la porte avec mes genoux dénudés par le port d'un short , furent immanquablement égratignés.


Je me retrouvais dans la cour et courant à perdre haleine, je ne me retournais pas de peur de voir à la fenêtre ce visage, ne m'arrêtant que sur le pas de la porte de ma maison où quelques instant après mes camarades me rejoignirent, amenant avec un eux leur flot de questions et d’incompréhension...

jeudi 23 avril 2009

Chapitre 7

Chapitre 7

Une dernière valse à trois temps



Malgré mes soucis quotidiens, réels et d’une vulgarité déprimante, je parvenais tout de même à conserver un équilibre précaire mais suffisant pour me cacher dans la masse des anonymes et des disciplinés.
J’avais appris malgré moi à me dissimuler derrière un sourire amical, élevant des falaises d’humour pour que l’assaillant au regard investigateur, ne puisse jamais découvrir l’étendue des terres qui se cachaient là, sauvages et accueillantes, balayées par les vents de la passion et du désir.
Ne plus jamais laisser ce royaume affectif à la merci de quelque conquistador ou autre aventurier trop entreprenant que ce soit, ne plus laisser l’autre me réduire à ce terrible et pourtant si tentant esclavage des sens, d’où je ne pourrais me libérer qu’au prix de douloureux sacrifices, au terme d’un combat intérieur où la raison et le cœur viendront une fois encore à s’affronter, et dont je serais l’unique victime.

Schizophrène équilibriste, à la limite de la rupture entre deux univers distincts, que seul un câble trop fin tente de relier, et qui à la moindre hésitation, à la moindre défection de mes défenses de fumées, risque de se rompre, me plongeant vers ce gouffre où la solitude me guette amoureusement, où la perfide aliénation sera ma dernière amie, et ne me laissant presque jamais en paix, ne m’autorisant que trop rarement à retirer mon masque.
Clown triste au regard perdu, ne fixant jamais l’autre de peur de lui révéler un terrible secret : j’existe…

Alors continuant mon tour de piste sous les rires de l’assistance conquise, je pleure sous mon fard, je laisse mes derniers espoirs dans ces soirées où il ni a rien à espérer, rien à attendre, si ce n’est que le carillon résonne et que je puisse enfin m’enfuir avant la transformation mais surtout, surtout en ne perdant pas mon soulier de verre. De trace je ne vous offre que ce souvenir joyeux et cet ultime sourire rassurant, pas d’inquiétude tout va bien, je vais bien et l’ordre établi ne sera pas bouleversé.
Pas ce soir, pas ici, pas avec vous…

Cette nuit quand vous vous endormirez après avoir goûté à la chair de vos compagnons ou autres amants, je serais encore là, sans aucun artifice, seul face à mon âme miroir et tant bien que mal je panserais mes plaies et dans un dernier rire, je laisserais venir à moi ces sanglots, ultime cri nocturne, pour garder cet infime espoir que tôt ou tard, mais avant qu’il ne soit trop tard, mon regard plonge dans celui d’une âme amie, juste pour ne pas regretter tout ce temps passé à laisser ces soupirs envahir mon attente solitaire.

Si parfois quand l’aube s’infiltrait doucement à travers les fentes de mes volets, dévoilant juste-là, près de moi, le corps assoupi, d’une déesse déchue, d’une princesse sans royaume où d’une fille égarée, mon cœur ressentait une forme de plénitude que le silence de ces matins rendait follement romantique, mon âme elle se faisait toute petite, se dissimulant tant bien que mal loin de mes yeux, juste pour m’offrir ces moments de répits, tant l’issue paraissait évidente et bien trop connue.

Si par le passé j’avais cette force de croire en l’autre, en l’amour qu’elle pouvait me porter et l’affection qu’elle voulait bien m’offrir et dont la gratuité multipliait toute la valeur, au fil des années, j’ai enfin compris que cela ne durerait pas et que le coté éphémère de ces offrandes, ne m’apporterait que d’immondes regrets et de terribles questions.
Jamais je n’ai su conquérir une fille en lui offrant la moindre parade amoureuse, le moindre numéro de prestidigitateur ou une longue litanie emplit de flatterie simplement guidée par un désir pour cette affolante chair. Même si à une époque presque oubliée, j’étais un manipulateur sans vergogne, un être aux plans machiavéliques et aux fabuleux mensonges, n’épargnant aucune douleur à mes victimes féminines quand mon plaisir était repu.
Mais cela ne dura qu’un temps, tant ce personnage n’était pas moi et me détruisait lentement, annihilant toute spiritualité que mon âme s’efforçait de conserver.

Dragueur jamais je ne le fut mais probablement un charmeur, captivant l’attention par mes mots, mes silences ou mes regards.
Comme une danse sensuelle où l’effleurement tant physique que du simple regard, faisait naître une délicieuse et douloureuse attente qui me menait à des aventures passionnelles, violentes, sans concessions, dont la folie des rapports et des désirs pulvérisaient toute retenue ou toute crainte.
Je ne sais pas pourquoi mais cette forme de combat amoureux, de guerre des sens est pour moi la seule façon de ne pas me souvenir que mon âme, elle, continue de soupirer, malgré ces moments purement charnel, malgré la puissance de ce sentiment.
Mais peut importe la relation qui pouvait me lier à ces filles, d’une nuit, d’une vie, au final la similitude de ces échecs m’amenait à mieux comprendre pourquoi jamais je ne pourrais atteindre cette forme de plénitude dont tant je rêvais. Toujours les mêmes mots…

Cette phrase, ce compliment au goût amer aujourd’hui qui avec insistance est venu s’échouer à mes oreilles au fil du temps. Comme un leitmotiv, une évidence aux yeux de certaines et qui, bien souvent me procurait un sentiment de plaisir inéluctable, à présent me répugne quasiment tant je sais ce que signifient ces mots.

Si au début je suscitais une forme de curiosité, un attrait pour toutes ces filles tellement habituées au jeu parfaitement réglé de ces mâles concupiscents, elles finissaient s’effrayer quand elles découvraient ce que je cachais en mon seins. Pourtant dès les prémices de notre relation, elles mêmes se réjouissaient d’une chose et n’hésitaient pas à me le dire à maintes reprises : j’étais différent, je n’étais pas comme les « autres »…

Cette « différence » tellement attirante et nourrissante au début et qui progressivement devenait une tare à leurs yeux.
Non cela n’était pas feins, je suis comme ça, parfois à la limite de certains clichés, parfois au plus haut du firmament de leur existence, tel un oiseau gigantesque planant au-dessus de leur existence, éteignant les astres et les étoiles de leur regard quand leurs paupières se refermaient sous l’insolence de mes baisers. Mais jamais je n’aurais pu devenir cet autre qu’elle espérait voir apparaître en moi, juste l’amant/compagnon, se complaisant à suivre le chemin de la monotone routine, mais dont l’âme avait besoin de se repaître de toutes ces émotions que nous aurions pu partager.

Mais dès que notre union incertaine et passionnée sombrait dans une officialisation trop insistante, face aux regards des autres, je me devais de tenir un certain rang.
Adieu, folie bouillonnante, maladresse déstabilisante, coup d’éclat inutile mais tellement amusant, silence partagés et complices face à l’océan démontée, sourires croisés quand au milieu de la nuit la neige venait à nous surprendre sous les lampadaires de ces rues désertes, adieu à tout ce qui faisait ma différence, juste pour endosser l’habit trop étroit de celui que je ne suis pas mais qui, dans ce travestissement, rassurerait les autres, juste ces inopportuns qui ne sont rien pour moi, qui ne sont que d’inutiles planètes gravitant autour de l’astre de feu qu’était celle que j’aimais.
Mais pourtant cela suffisait à mettre fin à ses rêves, bien que mes sentiments jamais ne se soient voilés d’aucune tromperie, mes lèvres jamais ne se sont égarées dans des nuits d’infidélité, sans que finalement cela ne soit d’aucune valeur lors du procès final.

Je suis un freaks dont l’apparence attirante cache un être dont les aspirations, de par leur pureté et leur puissance, effrayent les autres. Jamais mon corps ne se satisfera complètement de la moindre caresse, aussi douce et aussi perverse puisse-t-elle être, si mon âme ne se reconnaît pas dans le miroir amant de ma compagne.
Trop souvent j’ai délaissé cette partie de mon être, renfermant pourtant mon plus précieux trésor, fragments de poudre de perlimpinpin et morceaux d’étoiles filantes ramassées lors de mon enfance, qui jamais ne se laisseront flétrir, qui jamais ne me quitteront au risque de me perdre à jamais…

La vie très tôt m’a entraîné dans une valse à trois temps.
Sur le premier pas l’esprit menait la danse, s’émerveillant par la découverte de la volupté de ces corps et le goût de ces filles, fleurs sauvages et dangereuses aux milles senteurs mais dont les épines pouvaient vous déchirer les chairs jusqu’aux larmes éphémères.
Sur le second pas, le cœur conduit la danse, accélérant le mouvement, amplifiant les sensations, promulguant la passion au rang de divinité et cherchant bon nombre de voie étoilé dans le regard de ces filles aux corps déjà connus mais révélant à chaque fois un nouvel univers dont la valeur inestimable ne pouvait que le briser lors de sa perte.
Au troisième pas, l’âme impatiente après une si longue attente et avide de cette valse, se retrouvait bien seule au milieu de cette piste, où malgré le rythme entraînant de la musique viennoise, n’avait pour compagne à guider que la solitude et le désespoir.
Rien, ni personne pour enlacer ces merveilleuse sensations à venir, où la passion enflammerait ce nouvel univers, entremêlant soupirs et chuchotements, silences et regards pour enfin apparaître dans le miroir des yeux, portail magique où les trésors de l’enfance brillent de mille feux et enfin retrouvent tout leur sens cachés.

Il y a là-bas cette fille, si proche mais pourtant encore si loin de moi, dont le regard m’invite à la danse, dont le premier pas m’entraînera vers cette cavalcade joyeuse ou peut-être sur le second j’entrerais dans cet univers féerique et désirable mais dont le dernier pas risque d’être encore une fois celui de trop, trop difficile a exécuter, trop intime pour l’accepter.

Cette fille au regard sombre dont l’éclat déjà ne me quitte plus, ne sera peut-être pas mon miroir, mais déjà j’entends l’orchestre se mettre en place et la douce mélodie des violons parvenir jusqu’à moi…

dimanche 12 avril 2009

Chapitre 6

Chapitre 6

Au commencement...



Aussi loin que je me souvienne, je n’arrive pas à me remémorer une période de ma vie où j’aurais pu affirmer sans la moindre hésitation que j’étais heureux, où que tout du moins ce sentiment faisait parti de moi.

Juste pour pouvoir me rattacher à quelques vieux souvenirs au goût de bonheur, pour réussir à attraper au vol un sourire salvateur, quand la nuit froide et solitaire vient à me torturer plus que de raison, enfonçant ces longs doigts décharnés au plus profond de mon être, tournant et retournant ces moments cruels où je n’étais rien, seulement une âme perdue flagellée jusqu’au sang par la trahison et le mensonge, par l’incompréhension et la frustration.
Quand l’insomnie vient à s’inviter au cœur de ma nuit, mon esprit cherche en vain à repousser ses assauts destructeurs, se cachant derrière ces instants perdus de l’enfance, quand tout était insouciance, que le monde semblait un vaste terrain de jeu excitant et effrayant, que les adultes semblaient être un refuge accueillant et salvateur contre les doutes et les peurs nocturnes mais où, très vite, la vie allait m’enseigner certaines leçons, que même si je ne comprenais pas le sens profond alors, allaient définitivement changer le petit garçon que j’étais, l’adulte que je suis à présent.

J’étais né à Paris un bel après-midi de 1969, de parents espagnols ayant émigrés pour diverses raisons et ayant fini par se rencontrer dans la grande capitale, allant jusqu’au mariage, chose parfaitement normale à l’époque mais qui au final fut source de bien de regrets et de douleurs pour ma mère, bien que l’amour que mon père lui porta sa vie durant fut sans faille.

Mais il ne suffit pas d’aimer pour que l’autre soit heureux, il ne suffit pas de quelques mots ici où là dispersé par le souffle de la vie pour que ce puissant sentiment offre un partage pouvant combler les aspirations d’un cœur. Oui mes parents s’aimèrent sincèrement, mais aussi loin que je porte mon regard d’enfant, d’adolescent ou d’adulte, rares sont les moments où je les vis heureux ensemble…
De cette période de ma vie, embryonnaire tant mes souvenirs sont rares, je garde ici où là quelques images, celle de ma mère partant faire quelques courses à l’épicerie proche et qui s’arrêtait en chemin pour me faire un petit signe de la main, signe que je guettait avec une certaine impatience, posté derrière la fenêtre de notre petit appartement dont je ne garde pas le moindre souvenir. Autre image celle de mon père repartant à son travail après le déjeuner prit à la maison et qui lui aussi nous saluait avec un large sourire du bas de la rue, comme un enfant malicieux qui s’apprêtait à nous jouer un bon tour.

Derniers souvenirs de cette petite enfance passée dans la capitale et curieusement ces gestes d’au revoir, bien que joyeux, sont les seules traces vivant encore en moi, seules preuves de cette courte période de mon existence.
Suite à une déconvenue professionnelle de mon père, nous partîmes habiter un petit village mosellan où étaient déjà installés un oncle et une tante, qui permirent à mon père de retrouver, non seulement un emploi, mais également une partie de sa famille.

Curieusement dans la même région ma mère avait un frère dont l’épouse s’avérait être ma marraine, chose très mystérieuse pour moi, sans compter que j’appris le sens d’un mot que j’avais entendu souvent prononcé par mes parents : cousins.
C’est dans se petit village au nom de Manom, que je passais toute mon enfance, là dans ce cadre campagnard, au milieu des champs et d’une belle foret, non loin d’un petit ruisseau allant se jeter comme un amant follement épris dans la rivière s’écoulant à quelques mètres de là, que j’imprégnais mon corps et mon âme de nombreuses sensations à la fois merveilleuses et douloureuses qui lentement et de façon imperceptible, allaient façonner l’être tourmenté que je suis à présent…
Très tôt vers l’âge de 6 ou 7 ans, je fus amené à considérer l’amour d’un père et celui d’une mère, avec l’idée qu’ils étaient, non seulement différents, mais parfois antinomique.

Si jamais je ne pourrais reprocher à mon père son courage, sachant qu’il avait immigré après avoir perdu son exploitation agricole en Espagne après une terrible tempête, jour pour lui où il maudit Dieu et ses saints, tel un Vlad ibérique, se détournant définitivement de la sacro-sainte religion, dont pourtant son peuple était d’une ferveur presque idolâtrique et les heures de labeurs accomplis pour que notre famille ne connaisse jamais la faim, ni un certain niveau de confort, bien que peu élevé, mais suffisant pour garder la tête haute face aux regards des voisins et autres commerçant de notre village, trop rarement je fus l’objet d’une affection débordante de sa part.

Il était l’autorité, le bâtisseur de la route que je me devais de suivre sans le moindre questionnement et l’exemple même de la droiture, mais qui pour un petit garçon n’était rien d’autre que de la sévérité et parfois de la peur…..sentiment inexplicable car jamais il ne m’a frappé mais parfois certains comportements ou attitudes sont bien plus violents et bien plus marquants.
Jamais je ne lui ai avoué cela, même lorsque la mort se tenait à mes côtés quand je le veillais dans les derniers instants de son image symbolique de paternel, dernier pont entre un passé familial et l’orphelin que je m’apprêtais à devenir. Car il ne me restait plus rien d’autre depuis le décès de ma mère, juste cet homme qui dans ces derniers mois de souffrance fit enfin preuve d’une étonnante et désespérée affection à mon égard, allant jusqu’à m’avouer non seulement son amour pour moi, mais la gratitude et la fierté qu’il ressentait dans ces instants en voyant le fils que j’étais devenu. Mots terribles, destructeurs, pulvérisant mon être tout entier, tant la violence de ces déclarations allaient à l’encontre de tout ce que j’avais pus ressentir venant de cet homme, tellement présent dans ma vie, mais tellement étranger de toute forme de complicité partagée et du moindre geste de reconnaissance ou simplement d’acceptation de nos différences.

Pourtant dans son regard triste où l’épuisement avait déjà installé ses quartiers, il ni avait aucun doute concernant la sincérité de ses propos, aucune duperie où que sais-je encore. Cet homme, mon père, dont l’aridité du cœur semblait être un fait établi de longue date, n’avait en réalité jamais su, pu ou voulu laisser ses sentiments effleurer la surface de son regard ou laisser la moindre empreinte dans ses bras musclés peu enclins à entourer mon corps d’enfant d’une affection salvatrice…

Mon enfance ne fût pas un calvaire mais certains manques, certains évènements m’ont à jamais détourné de la voie que j’avais espéré suivre, de ce chemin peuplé de rêves innocents, de rire infiniment réparateurs et de découvertes merveilleuses dont chaque âme enfantine voudrait se repaître tant elles apportent de promesses et de songes fabuleux.

Malgré toute la tendresse d’une mère vouée à l’amour de ses enfants, toute l’abnégation de cette femme, dont la vie n’avait de sens que par ma présence, j’allais brutalement découvrir que la vie est une joueuse sadique, qui donne et prend comme bon lui semble, choisissant l’instant crucial où tout semble apaisé, où le sentiment de plénitude est au plus haut, pour frapper violement ceux qui se laisse à rêver, sans la moindre distinction entre les bourreaux et leurs victimes, offrant de douloureuses leçons qui resteront à jamais gravées dans le cœur d’un petit garçon, ne sachant pas ce que certains mots voulaient signifier, mais ressentant trop parfaitement les conséquences de ces moments indésirables, mais siens à présent.

Au cœur de mon enfance allait naître l’adulte que je suis, affrontant pour la première fois le sentiment d’exclusion, l’incommensurable besoin d’affection, l’existence du désir charnel et la découverte de deux fabuleux amis : la nuit, dangereuse et effrayante tant elle paraissait profonde et silencieuse, et le vent, complice et réconciliateur, tant il apaisait mes sanglots et séchait mon visage de ses chaudes larmes, trop souvent présentes dans ma mémoire.

Au cœur de l’enfance, j’allais découvrir la violence des adultes, les premiers mensonges inutiles et la proximité de la mort.

dimanche 5 avril 2009

Chapitre 5

Chapitre 5

Quelques fantômes, rien d'autre...



Même si certaines douleurs semblent parfois insurmontables, seules celles provenant de la perte d’un être cher le sont réellement. Non pas que toute autre forme de souffrance morale soit à négliger, mais au plus profond du doute, au plus proche de toute vérité, seule la mort est un fait tangible et invariable dans sa finalité et ses conséquences.

Après la mort, il ni a rien, juste un cadavre fait de chair froide et au regard inexpressif, juste un inconnu mais qui jamais plus n’influera sur le cours de notre existence et qui pourtant continuera à être bien trop présent, quand la nuit se fait longue et que la solitude se fait trop pesante.


Derrière la porte de la chambre, étendu sur son lit, semblant s'être assoupi, mon père gisait inanimé, parti loin de moi, trop loin de moi, auprès de ma mère. Me laissant seul avec ces innombrables regrets, toutes ces phrases inutiles et ces mots n'ayant plus aucun sens à présent. Sentiment étrange et troublant sur ce départ annoncé qui m'assaille dès à présent, brisant mes jambes de verre, effilochant mon cœur de soie et tissant autour de moi sa toile de vide affectif.


Pourtant je connais bien cette main glaciale qui lentement et cruellement, tel un chirurgien implacable n'ayant jamais connu Hypocrates, a vidé ce corps usé de toute vitalité. Doucement un voile est descendu sur son regard, comme le rideau à la fin d'une longue représentation dont l'impact et toute sa substance ne sera comprise que bien plus tard, trop tard.


La Montagne des Regrets que je croyais pourtant déjà avoir gravi au départ de ma douce mère, dans ce matin blême se dresse une fois de plus au loin, obscurcissant mon horizon, allongeant inexorablement ma nuit dans une morbide torpeur. Délivrance de sa geôle des douleurs dont la clé était enfouie au fond de ses entrailles, pour me laisser là face à ce corps inutile, vide et étranger.

Pourtant si tout cela ne m'était déjà plus inconnu, ce contact froid et rigide, cette odeur particulière imprégnant les pores de ma peau frissonnante et cette absence dans ce regard éteint, j'ai appris comme un élève trop doué et trop discipliné, que chaque douleur profonde à sa propre saveur et sa propre cohorte de fantômes languissants.

Même si les mots restent les mêmes, qu'ils sont vains et vides de sens, trop souvent ils ont raisonné dans ma tête :
Cancer, chimiothérapie, métastase, diagnostique, il faudra être courageux, vomissement, perte de mémoire, incapacité respiratoire, arrêt respiratoire, sincères condoléances, désolé, courage, nous sommes de tout cœur avec vous, il faudra être courageux...
Mais je ne veux pas être courageux, juste redevenir ce petit enfant pour me blottir, recroquevillé sur ces souvenirs et laissant mon âme blessée se vider de ces flots , noyant mes yeux, imbibant ma peau de leur sel, brisant mon corps par ces sanglots et ses soubresauts, non aucun courage juste se retourner lâchement et se laisser partir.


Malgré tout, dans une solitude intime et un mutisme émotionnel, il faut affronter les journées qui arrivent comme une punition, car l'enfant n'a pas été sage, car l'adolescent s'est trop élevé contre les murs de cette autorité suffocante, car l'adulte n'a jamais su comment justifier l'existence qu'il menait, empilant les erreurs et les déceptions sans jamais rien d'autre à offrir à ces parents amants que ses grands yeux tristes et ces rires parfois réconciliateur.
Puis quand le calme semble enfin revenir auprès de soi, quand la nuit vient lécher les vitres embuées de la petite chambre, ce n'est pas le sommeil qui se cache dans le trop grand lit vide et froid mais d'autres ennemis, bien trop présents dans mes heures lunaires.


La première fois la douleur et l'inacceptable disparition de ma mère m'avait amené une armée de fantômes lourds et lents dont chaque geste et chaque mot semblait être choisi avec une justesse et une cruauté abrutissante.
Comme une chape de plomb qui par son poids et son étendue, me poussant à bout nuits après nuits, semblaient vouloir s'extraire de mon cerveau par les yeux, par de petits et minces filets de larmes silencieuses......mais ne trouvant pas le supplice à leur goût, ces fantômes, renforcés par d'autres plus anciens, revenaient toujours plus forts et plus nombreux à chaque disparition de l'astre solaire, quand l'horizon s'embrase dans un ultime espoir désabusé, réduit en poussières célestes que dame Lune répand généreusement dans sa douce nuit.


Mais les fantômes qu'aujourd'hui je dois affronter, ne sont pas les mêmes, moins nombreux mais bien plus véhéments et plus soudains. Ils ne vivent pas en moi, encore trop de leurs amis décharnés hantant mon organisme, comme une véritable invasion bactériologique sans remède, mais se cachent autour de moi, là où mon regard, ou n'importe lequel de mes organes avides de sens, viendrait à s'aventurer avec un peu trop d'insistance. Sur ce fauteuil vide à jamais, face a cette télévision diffusant ces émissions déjà trop partagées ou dans cette cuisine où vers la fin de rares mais précieux rires défiguraient ce doux visages aride et épuisé.
Au moindre faux pas émotionnel, ces nouveaux ectoplasmes plantent leurs longues lances d'amertume au fond de mon cœur, là où les souvenirs et les regrets, dans une longue farandole, s'enlacent et se séparent pour mieux se fondre jusqu'à ne plus être dissociable.


Comme un enfant perdu, du sommet de mon château de papier, lentement je retire mes derniers soldats de plomb qui me préservaient encore, pour offrir les clés de ma place forte à ces envahisseurs, venus d'un lointain passé mais bien trop présent pour que je tienne encore ce siège incessant, connaissant trop intimement les moindres faiblesses de ma fortification de coton pour que je puisse négocier la moindre armistice et ne pouvant espérer aucune clémence, j'abdique sans aucune condition, acceptant cette servitude morbide sans aucun autre choix, ni aucun échappatoire.

Seul face à cette porte où déjà se pressent les hordes de fantômes, je baisse la tête et doucement je referme mes paupières, je clos mes yeux sur ces visages d'autrefois...


Rester là, aux côtés de ces êtres qui vous ont offert la vie et regarder la leur s’éteindre inexorablement, cacher ses larmes et ces inquiétudes abrutissantes, et ne rien pouvoir leur donner, si ce n’est cette présence, bien inutile face à la brutalité de leur souffrance.
Car cette mort n’est pas soudaine, mais d’une lenteur abjecte, comme si tout cela ne pouvait finir autrement….

Tenir leur main, comme si ce simple geste pouvait les retenir de l’attraction funeste, de cette ombre ténébreuse qui déjà voile leur regard épuisé, leur souffler quelques mots tardifs mais pourtant sincères en espérant que leur sens trouve encore une valeur dans leur esprit affaibli mais surtout, surtout s’aveugler les sens pour ne pas fuir comme le petit enfant que nous sommes face à tant de cruauté.

Mais la vie ne s’arrête pas à ses considérations intimes et douloureuses, elle poursuit son avancée vers un lendemain toujours plus pénible et difficile à concevoir, sans aucune envie, ni rien à partager, ni offrir.
Juste, comme par automatisme, se lever, s’appliquer aux taches routinières et si les regards se font trop pressant, juste détourner la tête, ne pas répondre à ces marques d’affection empreintes de l’immonde pitié, qui l’espace d’un instant, changera la douleur en une rage, amenant souvent l’incompréhension et parfois d’autres regrets.

Juste ne rien montrer, se barricader dans son château de sable, en guettant au loin, juste au bout de l’horizon, la vague qui engloutira mes ultimes défenses…

samedi 28 mars 2009

Chapitre 4

Chapitre 4

Dans ce regard




Il y a là cette fille, que parfois j’aperçois, qui dans son regard renferme un trésor inestimable à mes yeux : quand nos regards se croisent, le sentiment d’être encore vivant afflue dans mon corps, juste un regard, mais un regard qui m’est destiné……
Mais juste une sensation magnifique, qui restera sans lendemain, car ma vie est dans un tel délabrement que quand elle découvrira mes profonds tourments et mes soucis matériel, ne portera plus son regard sur moi, ce regard si pur, si brillant, si prometteur, mais juste un simple regard apitoyé au mieux ou plus probablement le détournera quand mes yeux chercheront les siens.
Pourtant quand chaque lundi je part acheter mon journal, je sais qu’elle sera là, derrière sa caisse, me gratifiant d’un sourire agréable et amical et quand je me tiendrais face à elle, quand mon regard croisera le sien, que juste durant de courtes, mais précieuses secondes, nous serons le centre du monde, le temps suspendra son avancée et la magie opérera.

Malgré mes insupportables certitudes, quelque part au fond de moi, se frayant un passage au milieu de mes amours mortes, évitant cet univers tâché par la trahison et le mensonge, un nouveau désir grandir en moi, pur et tellement puissant, que déjà je ressens ses premières vibrations, annonçant dans un avenir proche le séisme qui risque d’anéantir toutes mes résistances, toutes mes interrogations, comme une faille qui s’ouvre, s’agrandissant un peu plus à chacune de nos rencontres et menant implacablement vers une nouvelle passion, dangereuse et destructrice tant son éphémère durée contraste avec sa puissance !

Ce sentiment que je connais trop bien pour en avoir longtemps goûté ses fruits incandescents, humer son parfum ensorcelant, jusqu’à en avoir les stigmates sur ma peau. Je sais avec une certaine lucidité qu’il est terriblement difficile de résister à cet appel des sens, qu’il est presque impossible d’en contrôler l’impact émotionnel et dont la dépendance peut être enivrante.
Alors pourquoi ne simplement pas laisser les choses arriver ? Ne pas s’abandonner vers ce que tout mon être semble vouloir désirer ardemment ?

Tout simplement parce que je sais ce qui se cache au plus profond de ce regard. Si souvent je me suis noyé dans des yeux où me semblait-il ma vie avait un sens, trop souvent j’ai été dépendant de ce sentiment envoûtant et puissant, pour savoir que lorsque cette lueur attirante vient à s’éteindre, les ténèbres qui enveloppent alors mon esprit sont effrayantes, tant elles cachent de vieux spectres décharnés, avides de ma douleur et de ma déception….

Pourtant, qui a aimé ou tout du moins partagé le désir, comprendra facilement ce que provoquent ces interrogations quand s’en vient la nuit tombante, quand le silence s’installe comme pour apaiser ces incessants tourments. La nuit comme protectrice mais aussi comme catalyseur de cette sensation puissante et enivrante. Dans l’obscurité, bien souvent se cache une certaine vérité, celle qui au grand jour parfois nous semble honteuse ou tout du moins inavouable…

Si, bien souvent le jour je sais contenir certaines de mes pulsions, certains de mes désirs ou encore certaines opinions parfois déviantes, quand dame nuit m’enveloppe dans son long manteau étoilé, je me retrouve enfin, entier, vivant…..
La nuit est mon élément, je me fonds dans son obscurité bienveillante, laissant mes sens guider mon corps, naviguant au milieu de formidables sensations, ne cherchant aucun lendemain, juste profitant, abusant de ces quelques heures, où mon visage ne semble plus afficher le moindre malaise ou regret, où mon corps et mon âme se confondent pour ne faire qu’un, où enfin je ne subit plus aucune pression que mon lourd passé impose à mon esprit.

Je suis une âme amante, libérée du joug tortionnaire de ses amours mortes, où quelque part j’ai abandonné mes derniers espoirs mais qui ici, au milieu de nulle part, au cœur de l’univers, me rendent plus fort, balayant le moindre à priori, rendant plausible la moindre hypothèse et transformant le doute en certitude !
Je suis armé du désir le plus ardent, affolant mes sens au point de vous envoûter, parcourant mon échine à fleur de peau et d’un regard offert, d’un baiser partagé, je suis celui qui changera la quiétude de vos nuits en tourments délicieux.

Bien qu’aujourd’hui tout cela me semble lointain, quelque part au fond de moi, subsiste encore cet aspect de ma personnalité, cet être passionné dont l’attrait pour ces moments inestimables où mes lèvres restaient rivées à celle de l’autre, où chaque nuit était attendue douloureusement tant ces précieux moments nocturnes étaient vitaux pour que mon âme puisse s’exprimée librement, pour qu’enfin, ne serais-ce qu’un instant, je sois en paix avec moi-même. Partager cette passion juste pour ne plus me perdre dans d’inutiles questions, comme si un baiser ardent pouvait anéantir toute forme de regret, de désespoir ou de doute. Apportant l’ivresse d’un instant, cette sensation d’immortalité de l’âme et de ses précieuses aspirations, même si au lever du soleil, il n’en restera que la sensation d’un rêve très charnel et le goût de ces baiser sur les lèvres, au fond du cœur...

Il y a là cette fille, que parfois j’aperçois, qui dans son regard renferme un trésor inestimable à mes yeux, qui aurait du rester inaccessible par une certaine forme de lâcheté qui parfois s’immisce dangereusement en moi, mais qui pourtant allait prendre place dans ma vie d’une façon aussi inattendue que désirable.
Là où parfois la logique semble imposer sa dictature, la nuit elle perd toute sa puissance, laissant place au hasard, à la destinée, bien que improbable mais pourtant bien réelle.

Au détour d’une nuit, au milieu de nulle part, elle allait entrer dans ma vie, dans mes nuits, comme un cadeau inattendu, comme un poison sans remède, comme une évidence……
Dans un regard parfois naissent les plus belles histoires mais pas toujours, mais dans son regard j’allais enfin exister, au risque de me perdre un peu plus...

lundi 23 mars 2009

Chapitre 3

Chapitre 3

Le Sombre



Après quelques déboires en tout genre, l’un des plus pénible à vivre au quotidien est celui de chômeur, tant ce statut est perçu comme une tare dans la société actuelle.
En perdant son emploi, en réalité on perd bien plus qu’un simple gagne pain, bien plus qu’une simple position sociale sur l’échelle illusoire de valeur, on se perd un peu plus, on sort de la lumière ambiante, rejoignant les ténèbres rassurantes où personne ne peut apercevoir le regard triste et honteux des sombres.

Il existe un monde, une seule société, totalement codifiée, verrouillée par d’innombrables règles et autres codes. Dès que l’on enfreint l’une d’entre elles, les regards se tournent vers vous. Un regard contenant un jugement sans appel, une condamnation et une sentence bien plus douloureuse que n’importe quelle insulte...
Vous n’êtes plus avec eux, comme eux, mais moi, je n’ai jamais été comme eux, comme vous.

Longtemps j’ai joué au funambule avec un réel talent, réussissant grâce à un étonnant sens de l’équilibre à rester en contact de votre monde, mais progressivement, avec le temps et les épreuves, la difficulté à me maintenir ainsi est devenue de plus en plus pénible...
Comme un vieil acteur, ayant trop souvent joué la même pièce et trop longtemps, ne désirant qu’une seule chose : disparaître derrière le rideau et ne plus réapparaître au moment du rappel !
Et la perte de mon emploi a détruit cet ordre établi, ces habitudes de jongleur équilibriste balayées par un vent trop violent, me jetant à terre sous le regard médusé de tant de gens, proches ou pas, me propulsant vers cette forme de marginalité dégradante.

Le fait d’être compétant et productif, d’assumer certaines responsabilités sans jamais flancher ou échouer, gagner la confiance des autres et l’amitié de certains, pour au bout de compte se retrouver à la rue pour une simple question comptable et bien lointaine de toutes considérations humaines, palpables et compréhensibles.
Comme un mal insidieux qui s’introduit dans votre esprit, passant par un sentiment de colère, provoquant une révolte face aux craintes d’un avenir différent et dont la précarité ne peut qu’effrayer, pour devenir au final un véritable sentiment de honte, nous transformant de simple victime à indiscutable coupable….

Le pouvoir absolu de l’argent et des chimères qu’il offre, devient soudainement présent dans chaque acte ou même chaque pensée. De nouveaux combats bien plus concrets et dont l’urgence me plonge dans un véritable parcours douloureux de frustrations permanentes, dont l’intensité me semble trop souvent insoutenable. Ils viennent s’accumuler à ceux en attende de règlements bien plus intimes et personnels, formant un amas indescriptible où la logique et les réponses semblent totalement inaccessibles.

Pourtant chaque jours qui arrive se doit d’apporter une solution, une explication, juste de quoi obtenir un sursis, juste pour pouvoir s’arrêter un instant, juste un instant, pour reprendre son souffle, se sentir vivant et retrouver le sommeil, lâche ami fuyant et sourd, lorsque la nuit tombe sur ma vie…
J’ai découvert avec un dégoût indescriptible que les douleurs et peines provoquées par la perte d’un amour n’étaient rien face aux tourments infligés par cette nouvelle positon sociale.

Cette course effrénée vers l’obtention d’un revenu, cette sensation de faire la charité, juste pour conserver un toit, acheter sa nourriture, semble m’affecter, différemment, mais plus violemment et avec une grande insistance, que la disparition douloureuse de mes parent ou même la perte de mon couple.
Cette sensation me révulse, me semble tellement étrangère et incompatible avec mes plus profondes aspirations, provoquant en moi ce dangereux écarts entre celui que je suis vraiment et ce nouveau rôle que je dois endosser pour obtenir une infime de chance de conserver une forme de stabilité, matérielle uniquement, pour ne pas sombrer définitivement…

Mais je sens que cette nouvelle forme de vie a déjà considérablement modifiée mon existence, parfois de façon très étrange, ainsi le téléphone est devenu un ennemi dont je crains le son de sa voix et dont je ne peux me servir même pour tenter de retrouver une forme de réconfort chez mes amis les plus fidèles, mais également de façon plus logique en modifiant mon comportement, m’amenant à une privation quasi-totale du moindre plaisir matériel…
Mon seul objectif finalement est de retrouver un emploi, juste pour assurer un retour vers une certaine continuité matérielle à mon existence, juste pour revenir vers la lumière tant de fois détestée, juste pour ne plus être le sombre….. que je suis pourtant, au plus profond de mon être.

Je suis le sombre, je ne suis qu'une ombre, je n'existe pas, mais pourtant je suis bien là.
Souvent vous me croisez, mais sans me remarquer, jamais vous ne m'approchez, toujours vous m'ignorez.
Je suis le sombre, seul face au nombre poursuivant mon existence, dans cette vie sans aucun sens, continuant ma quête éternelle, seul bravant toutes les tempêtes, me fondant dans l'immensité de la nuit, pour oublier mes envies.
Je suis le sombre, qu'aucun espoir n'encombre, qu'aucune illusion n'atteint, que la vie fuit sans fin.
Seul je poursuis mon chemin, sans personne à qui tendre la main et que seuls quelques souvenirs, empêchent d'en finir...
Du miroir aux alouettes vers les abysses ténébreuses de la nuit, ma vie n'aura été qu'un étonnant, étrange, fabuleux, douloureux chemin, sans aucune logique ni même d'objectif final, si ce n'est de rester en vie à chauqe aube naissante, de continuer au cas où, mais sans pouvoir précisement nommer le but de cette attente, ni même si elle aura une finalité...

mardi 17 mars 2009

Chapitre 2

Chapitre 2

La vie et rien d’autre.


J’ai été amoureux autrefois, de façon inconsidérée mais pourtant cela donnais un sens à ma vie, un certain équilibre, comme un phare lointain égaré sur la ligne de mon horizon, émergeant au milieu de ces flots tourmentés d’une relation chaotique…
Mais je n’ai pas en m’en plaindre. A présent que cette partie de ma vie a sombré dans les profondeurs insondables de mon cœur abîmé, j’ai été contraint d’affronter de nouvelles épreuves bien plus cruelles et irréversibles…
Etre confronté à la maladie qui emmena mes parents loin de mon cœur d’enfant, les accompagnant jusqu’au derniers instants de leurs vies et de nos destinées communes.

La disparition n’est pas la plus dure à encaisser. Tôt ou tard, la vie où ce qu’il en reste reprend le dessus. Voir ce qui nous est le plus cher se flétrir inexorablement jusqu'à voir le dernier souffle de vie quitter ce corps animé. Corps si intimes et profondément sien, renfermant un esprit déjà éteint, où votre propre image ne représente plus rien pour ces êtres, qui vous ont façonné, construit, chéri, guidé, malgré notre opposition si souvent inutile et déplacée, pas même un simple souvenir auquel se raccrocher dans leur regard abandonné par la lumière.

Juste rester là, des heures, des jours, des semaines, des mois durant, tout près d’eux, en se rappelant les trop nombreuses fois où l’affection, bien que présente, n’avais pas sa place au premier rang du spectacle familial.
Ces fois où un simple baiser, un simple mot auraient eus un sens éternel aujourd’hui, à présent que tout est fini que leurs visages ont rejoint l’immensité froide et blessante de mon esprit de fils encore aimant…

Seul au milieu de l’obscurité, quand la nuit étend ses grandes ailes sur ma vie, qu’aucune distraction n’est présente, que le sommeil est absent au rendez-vous fixé, vers eux mon esprit se tourne et mon regard humide scrutant les ténèbres juste pour une fois de plus revoir leurs visages. Juste tendre l’oreille pour une dernière fois entendre le son de leur voix, ne serait-ce qu’un simple mot issus de leur intonation, juste un mot, rien qu’une fois...
Mais rien d’autres que ces souvenirs enfouis sous ces nombreux regrets et remords qui hantent mes derniers instants, avant que mes yeux se ferment et qu’enfin mon corps ne cède aux tentations de Morphée.

L’amour est un animal étrange et précieux. Difficilement domptable et qui au moindre faux pas s’enfuit rejoindre le monde impitoyable du célibat. Même l’amour parental qui nous semble offert et immortel, tôt ou tard s’en va lui aussi, ne nous laissant que ce goût d’inachevé dans nos cœur, cette amertume sur les lèvres et ces traces de sel sur les joues…

Mais la perte de l’amour de ses propres parents, cette confrontation terriblement intime avec la mort, possède une dernière cruauté découlant directement du vécu partagé avec chacun d’entre eux. Mais là où le vice de cette forme de souffrance réussi a surprendre, est qu’il ne semble pas avoir de logique première même si au final, de façon très malveillante et douloureuse ,il l’est implacablement.

Non pas le fait de souffrir, de regretter ou même de se culpabiliser, ce qui reste une réaction humainement fort compréhensible, mais c’est le vaste choix de modeler cette douleur, de se l’approprier et au final de nous anéantir qui surprend violemment…
Chaque mort est unique et le ressenti l’est également, je l’ai appris et l’apprend encore nuit après nuit quand le jour s’en va se cacher par delà l’horizon, loin de mon regard et du semblant de vie que je mène...

Au cœur de l’hiver, perdu dans mes pensées, alors que mon quotidien requiert toute mon attention, je me retrouve une fois de plus confronté à un choix, et connaissant mon incroyable capacité à me tromper, je reste là, sans aucune réaction apparente, face au danger imminent qui s’approche déjà, tel une nouvelle tempête que je vais affronté sur mon esquif de plus en plus frêle…
L’envie de continuer n’est plus qu’une faible voix, fluette et vacillante que parfois j’entends quand une émotion illumine le visage d’un enfant ou le regard d’une fille croisée au hasard de mon chemin.

Le plaisir existe, le désir aussi, mais me semblant déjà s’éloigner de moi, quand reviennent vers moi ces vieux souvenirs d’une autre vie, d’un autre temps, où j’étais un autre, sans cette conscience et cette forme d’omniscience des dangers, trahisons et autres déceptions qui à jamais m’ont blessé, clouant mon cœur au pilori sans la moindre pitié.

Entre plaintes silencieuse et regrets perpétuels, je sors de chez moi, allant affronter le quotidien et ses hordes de futilités, juste pour sentir que autour de moi le monde poursuit sa rotation et que son centre est bien loin de ma modeste personne.
Il suffirait pourtant d’un regard, un simple regard pour arrêter ne serais-ce qu’un instant, l’inexorable marche en avant de ce temps si précieux mais dilapidé inutilement par tant de questions sans réponse...

lundi 16 mars 2009

Chapitre 1

Chapitre 1


Un présent sans lendemains.




Dès le réveil de pénibles pensées étreignent mon esprit encore engourdi par ces quelques heures de sommeil que péniblement je soustrais à mon impitoyable compagne insomnie. Cette pesante solitude presse mon cœur le vidant de tout espoir et de toute envie. Pourtant je dois surmonter quotidiennement cette épreuve douloureuse pour continuer malgré l’absence…

Sous la douche, les yeux clos, je laisse l’eau ruisseler doucement le long de mon corps, ressentant chaque goutte effleurant les moindres pores de ma peau.
J’aime cette sensation de bien être qui m’envahit durant ces instants où l’eau crée une fine enveloppe me protégeant des turpitudes du monde extérieur.
Après un long moment d’abandon absolu, je me décide à me savonner mais lentement pour ne rien brusquer tant ce rituel matinal m’est précieux. Une fois rincé et séché, je me tourne vers le grand miroir qui surplombe mon lavabo pour affronter son verdict impitoyable.
L’image qui se reflète est celle d’un homme de trente-neuf ans plutôt pas désagréable à regarder…mais ce n’est qu’une apparence trompeuse.
Au plus profond de mon âme se terrent d’immondes douleurs détruisant sans aucune pitié le moindre espoir naissant. Ces regrets blessants guident chacun de mes pas sur la longue route désertique menant à ma prochaine déception…

J’allume ma chaîne hi-fi qui déverse des flots de musique violente. J’ai besoin de cet électrochoc musical pour me sortir de ces funestes pensées qui nourrissent mon quotidien.
Je n’ai plus le luxe de me permettre un quelconque rêve ou espoir de m’extirper de cette vie qu’est la mienne à présent. Je l’ai battit à des années lumières de tous ces songes qui berçaient mon enfance et mon adolescence.
D’un amour désabusé à cette solitude pesante, je n’ai fait que cumuler les erreurs et les répéter inlassablement. La vie ne m’a rien enseigné, juste qu’il est plus aisé de fuir toutes formes de responsabilités affectives que de les affronter ! Triste constat…

Je m’habille en choisissant une tenue qui un tant soit peu me mets en valeur, même si cela me paraît bien futile.
J’ignore ce qui me pousse encore à agir ainsi. Je n’attends plus rien des autres, ni plus grand chose de moi-même. J’ai passé tant de temps à chercher une raison d’exister, ma place dans cette vie qui se dérobe sous mes pas, engloutissant mon avenir dans une pesante solitude affective. J’ai aimé, mal m’en a pris ! Au bout du compte je n’ai rien gardé, juste quelques souvenirs qui lacèrent mon cœur et vident mon âme nuits après nuits.
Je ne comprends plus ce monde dans lequel j’essaie de survivre. Je ne trouve aucune explication à ces échecs répétés et ces terribles constats : au bout du compte après chaque séparation je suis le seul à souffrir !

J’ai traversé ces quinze dernières années comme un fantôme, frôlant le bonheur sans jamais réussir à vraiment l’enlacer dans mes bras amants…
J’ai essayé de tout mon cœur, de tout mon corps, allant jusqu’à accepter les mensonges les plus blessants et les immondes trahisons, pour en arriver à ce terrible constat : je ne pourrais plus jamais vraiment aimer.
J’ai sacrifié une grande partie de ma vie sur l’autel de l’amour sans aucun calcul, juste avec l’infime espoir de récolter un peu de tendresse. Mais en vain, c’était trop demander…
En deux ans j’ai perdu tout ce qui pouvait donner un sens à ma vie. Cette fille qui a partagé dix ans de mon existence, mon travail et mes parents…..
Je dois encaisser ces désagréments sans rien laisser transparaître. Je ne dois rien montrer pour ne pas inquiéter mes amis et mes proches.
Tout garder au plus profond de moi, alors que tout mon être n’aspire qu’a une chose : Crier à la face du monde mon désespoir ! Je ne peux m’y contraindre car je sais le prix à payer pour de telles confidences.

Autrefois je me suis livré à cœur nu au jugement de l’autre et le résultat obtenu s’est avéré bien différent de ce que j’espérais. Dans le meilleur des cas je n’obtenais que la pitié ou au pire une banale compassion.
J’aurais tant voulu que quelqu’un m’écoute sans porter le moindre jugement sur mes erreurs, juste une personne qui me soulage de ce poids trop lourd à porter et qui à présent ensevelit mes lendemains sous ces gravats de regrets et de remords.
J’ai échoué dans cette quête de l’amour partagé. J’ai dilapidé les plus belles années de ma vie dans des relations où j’étais le seul à offrir sans arrière pensée.
Seule ma mère pouvait atténuer la brûlure de ces frustrations. Par un simple regard, d’un simple sourire, ma peine semblait moins pesante et les brumes des doutes masquant l’horizon de ma vie amoureuse se dissipaient parfois…

Habillé, je consulte les offres d’emplois dans le quotidien régional, sans vraiment y croire. Je suis arrivé au point de non-retour. A trente-six ans, sans voiture, sans emploi et vivant ces dernières années sous le même toit que mon père, que puis-je espérer de ces lendemains désenchantés ?
A présent que mon père s’en est allé dans d’immondes souffrances, rongé par la maladie comme ma mère trois années auparavant, je suis encore un peu plus seul….orphelin dans ma vie comme dans mon cœur où la solitude étreint de plus en plus mes désirs et mes derniers espoirs.

Au fond de moins j’ai cette irrésistible envie de finir avec tout cela, dans un ultime geste, mettre fin à mon mal de vivre.
Mais sans la moindre raison, une curieuse sensation, une forme d’espoir infime et pourtant persistant, continue a donner une impulsion suffisante pour que chacun de mes battements de cœur soit suivi d’un autre, propulsant un semblant de vie le long de mes artères, noyant mon cerveau d’une vision d’un improbable avenir désiré, mais allant à l’encontre de certains désirs implantés profondément dans mon esprit désabusé.
Malgré mes désirs, je dois continuer à errer dans cette morne vie, où mon présent n’a plus aucun avenir…

A chacun sa destinée. La mienne se délecte de mes cruelles souffrances cachées dans les plus sombres recoins de mon cœur…

samedi 14 mars 2009

Intro

Intro


Je sais à présent qui je suis.

J’ai enfin compris le sens de ce chant lancinant, que murmure mon cœur, quand la nuit me recueille dans ses profondes ténèbres.
Longtemps j’ai essayé de trouver l’origine de ce mal être, qui inlassablement harcelait mon âme. J’ai cherché la vraie raison de ces sensations désespérantes.
Toutes ces années perdues, dans cette quête idéologique d’un partage absolu. Tout ce temps passé, en espérant apercevoir mon reflet dans le regard de l’autre. Tous ces rêves qui n’ont pas lieu d’être, mais qui nourrissent mon esprit, resteront à jamais des chimères inaccessibles. Aussi loin que me portent mes souvenirs, j’ai toujours ressenti au fond de moi, cette envoûtante mélancolie.

J’avais compris que j’étais différent des autres hommes, mais pas à un tel point. Je l’ai appris comme une douloureuse leçon dont on ne retire aucun plaisir une fois sue. La vie ne m’aura épargnée aucune désillusion, ni aucune peine.J’ai essayé d’aimer, jusqu’au confins du désir et des plaisirs les plus fous.

Je suis le résultat de nombreuses années d’expérimentation, que le désir m’a imposé.
Comment ne pas sombrer dans un état proche de la folie au contact quasi permanent de ces voluptueux corps féminins que tant de fois j’ai caressé !
Au final qu’ai-je gardé de ces tumultueuses nuits passionnelles ?
Juste ces instants de plaisir qui n’ont pas de grande valeur au regard du véritable amour.

Cet amour qui à jamais m’est interdit…

Présentation


Moi l'enfant est mon deuxième morceau de vie auquel j'essaie de donner vie, douloureusement, difficilement, mais comme une nécessité, pour exorciser certains vieux démons qui dansent autours de mon lit quand la nuit est trop solitaire, quand les regrets m'assènent leur regard enclume et qu'il ni a rien, ni personne pour m'écouter ou simplement me tenir la main.

Si mon premier écrit concernait une période trouble de mon passé, une douloureuse séparation, véritable thérapie qui me permit de laisser derrière cette histoire m'entraînant vers d'autres tout aussi décevantes, mes nouveaux billets, qui une fois rassemblés j'espère donneront un regard sur cette partie de ma vie qui fit en grande partie celui que je suis : mon enfance.

Comme toujours quand je me lance dans ce genre d'exercice, je ne sais jamais où il m'emportera, s'il me mènera vers un ailleurs plus apaisant où si tout simplement en plongeant dans les abîmes ténébreuses de mon esprit il ne me brisera définitivement.

Je mettrais au fur et à mesure l'évolution de mon récit, juste pour partager ces mots et ces nuits, mais également pour donner l'occasion de découvrir mon histoire à une voix qui est sortie de la nuit, virtuelle mais dont l'expérience vécue m'a ému...