mardi 17 mars 2009

Chapitre 2

Chapitre 2

La vie et rien d’autre.


J’ai été amoureux autrefois, de façon inconsidérée mais pourtant cela donnais un sens à ma vie, un certain équilibre, comme un phare lointain égaré sur la ligne de mon horizon, émergeant au milieu de ces flots tourmentés d’une relation chaotique…
Mais je n’ai pas en m’en plaindre. A présent que cette partie de ma vie a sombré dans les profondeurs insondables de mon cœur abîmé, j’ai été contraint d’affronter de nouvelles épreuves bien plus cruelles et irréversibles…
Etre confronté à la maladie qui emmena mes parents loin de mon cœur d’enfant, les accompagnant jusqu’au derniers instants de leurs vies et de nos destinées communes.

La disparition n’est pas la plus dure à encaisser. Tôt ou tard, la vie où ce qu’il en reste reprend le dessus. Voir ce qui nous est le plus cher se flétrir inexorablement jusqu'à voir le dernier souffle de vie quitter ce corps animé. Corps si intimes et profondément sien, renfermant un esprit déjà éteint, où votre propre image ne représente plus rien pour ces êtres, qui vous ont façonné, construit, chéri, guidé, malgré notre opposition si souvent inutile et déplacée, pas même un simple souvenir auquel se raccrocher dans leur regard abandonné par la lumière.

Juste rester là, des heures, des jours, des semaines, des mois durant, tout près d’eux, en se rappelant les trop nombreuses fois où l’affection, bien que présente, n’avais pas sa place au premier rang du spectacle familial.
Ces fois où un simple baiser, un simple mot auraient eus un sens éternel aujourd’hui, à présent que tout est fini que leurs visages ont rejoint l’immensité froide et blessante de mon esprit de fils encore aimant…

Seul au milieu de l’obscurité, quand la nuit étend ses grandes ailes sur ma vie, qu’aucune distraction n’est présente, que le sommeil est absent au rendez-vous fixé, vers eux mon esprit se tourne et mon regard humide scrutant les ténèbres juste pour une fois de plus revoir leurs visages. Juste tendre l’oreille pour une dernière fois entendre le son de leur voix, ne serait-ce qu’un simple mot issus de leur intonation, juste un mot, rien qu’une fois...
Mais rien d’autres que ces souvenirs enfouis sous ces nombreux regrets et remords qui hantent mes derniers instants, avant que mes yeux se ferment et qu’enfin mon corps ne cède aux tentations de Morphée.

L’amour est un animal étrange et précieux. Difficilement domptable et qui au moindre faux pas s’enfuit rejoindre le monde impitoyable du célibat. Même l’amour parental qui nous semble offert et immortel, tôt ou tard s’en va lui aussi, ne nous laissant que ce goût d’inachevé dans nos cœur, cette amertume sur les lèvres et ces traces de sel sur les joues…

Mais la perte de l’amour de ses propres parents, cette confrontation terriblement intime avec la mort, possède une dernière cruauté découlant directement du vécu partagé avec chacun d’entre eux. Mais là où le vice de cette forme de souffrance réussi a surprendre, est qu’il ne semble pas avoir de logique première même si au final, de façon très malveillante et douloureuse ,il l’est implacablement.

Non pas le fait de souffrir, de regretter ou même de se culpabiliser, ce qui reste une réaction humainement fort compréhensible, mais c’est le vaste choix de modeler cette douleur, de se l’approprier et au final de nous anéantir qui surprend violemment…
Chaque mort est unique et le ressenti l’est également, je l’ai appris et l’apprend encore nuit après nuit quand le jour s’en va se cacher par delà l’horizon, loin de mon regard et du semblant de vie que je mène...

Au cœur de l’hiver, perdu dans mes pensées, alors que mon quotidien requiert toute mon attention, je me retrouve une fois de plus confronté à un choix, et connaissant mon incroyable capacité à me tromper, je reste là, sans aucune réaction apparente, face au danger imminent qui s’approche déjà, tel une nouvelle tempête que je vais affronté sur mon esquif de plus en plus frêle…
L’envie de continuer n’est plus qu’une faible voix, fluette et vacillante que parfois j’entends quand une émotion illumine le visage d’un enfant ou le regard d’une fille croisée au hasard de mon chemin.

Le plaisir existe, le désir aussi, mais me semblant déjà s’éloigner de moi, quand reviennent vers moi ces vieux souvenirs d’une autre vie, d’un autre temps, où j’étais un autre, sans cette conscience et cette forme d’omniscience des dangers, trahisons et autres déceptions qui à jamais m’ont blessé, clouant mon cœur au pilori sans la moindre pitié.

Entre plaintes silencieuse et regrets perpétuels, je sors de chez moi, allant affronter le quotidien et ses hordes de futilités, juste pour sentir que autour de moi le monde poursuit sa rotation et que son centre est bien loin de ma modeste personne.
Il suffirait pourtant d’un regard, un simple regard pour arrêter ne serais-ce qu’un instant, l’inexorable marche en avant de ce temps si précieux mais dilapidé inutilement par tant de questions sans réponse...

3 commentaires:

  1. encore un très beau texte, plein de sensibilité et d'émotions! merci Juan, c'est un vrai plaisir de vous lire! et cela fait écho à des choses que je connais.
    Merci et à la prochaine!
    Marie

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  2. Tout le plaisir est pour moi Marie et heureux de retrouver vos petits mots à la fin de mes textes...
    Si cela fait écho à certaines choses qui vous sont connues, j'en suis particulièrement ravi.

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  3. Alors si le plaisir est partagé, que demander de plus??? ;)
    A très bientôt Juan, ici où là, avec le même plaisir de te lire.
    Marie

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