samedi 28 mars 2009

Chapitre 4

Chapitre 4

Dans ce regard




Il y a là cette fille, que parfois j’aperçois, qui dans son regard renferme un trésor inestimable à mes yeux : quand nos regards se croisent, le sentiment d’être encore vivant afflue dans mon corps, juste un regard, mais un regard qui m’est destiné……
Mais juste une sensation magnifique, qui restera sans lendemain, car ma vie est dans un tel délabrement que quand elle découvrira mes profonds tourments et mes soucis matériel, ne portera plus son regard sur moi, ce regard si pur, si brillant, si prometteur, mais juste un simple regard apitoyé au mieux ou plus probablement le détournera quand mes yeux chercheront les siens.
Pourtant quand chaque lundi je part acheter mon journal, je sais qu’elle sera là, derrière sa caisse, me gratifiant d’un sourire agréable et amical et quand je me tiendrais face à elle, quand mon regard croisera le sien, que juste durant de courtes, mais précieuses secondes, nous serons le centre du monde, le temps suspendra son avancée et la magie opérera.

Malgré mes insupportables certitudes, quelque part au fond de moi, se frayant un passage au milieu de mes amours mortes, évitant cet univers tâché par la trahison et le mensonge, un nouveau désir grandir en moi, pur et tellement puissant, que déjà je ressens ses premières vibrations, annonçant dans un avenir proche le séisme qui risque d’anéantir toutes mes résistances, toutes mes interrogations, comme une faille qui s’ouvre, s’agrandissant un peu plus à chacune de nos rencontres et menant implacablement vers une nouvelle passion, dangereuse et destructrice tant son éphémère durée contraste avec sa puissance !

Ce sentiment que je connais trop bien pour en avoir longtemps goûté ses fruits incandescents, humer son parfum ensorcelant, jusqu’à en avoir les stigmates sur ma peau. Je sais avec une certaine lucidité qu’il est terriblement difficile de résister à cet appel des sens, qu’il est presque impossible d’en contrôler l’impact émotionnel et dont la dépendance peut être enivrante.
Alors pourquoi ne simplement pas laisser les choses arriver ? Ne pas s’abandonner vers ce que tout mon être semble vouloir désirer ardemment ?

Tout simplement parce que je sais ce qui se cache au plus profond de ce regard. Si souvent je me suis noyé dans des yeux où me semblait-il ma vie avait un sens, trop souvent j’ai été dépendant de ce sentiment envoûtant et puissant, pour savoir que lorsque cette lueur attirante vient à s’éteindre, les ténèbres qui enveloppent alors mon esprit sont effrayantes, tant elles cachent de vieux spectres décharnés, avides de ma douleur et de ma déception….

Pourtant, qui a aimé ou tout du moins partagé le désir, comprendra facilement ce que provoquent ces interrogations quand s’en vient la nuit tombante, quand le silence s’installe comme pour apaiser ces incessants tourments. La nuit comme protectrice mais aussi comme catalyseur de cette sensation puissante et enivrante. Dans l’obscurité, bien souvent se cache une certaine vérité, celle qui au grand jour parfois nous semble honteuse ou tout du moins inavouable…

Si, bien souvent le jour je sais contenir certaines de mes pulsions, certains de mes désirs ou encore certaines opinions parfois déviantes, quand dame nuit m’enveloppe dans son long manteau étoilé, je me retrouve enfin, entier, vivant…..
La nuit est mon élément, je me fonds dans son obscurité bienveillante, laissant mes sens guider mon corps, naviguant au milieu de formidables sensations, ne cherchant aucun lendemain, juste profitant, abusant de ces quelques heures, où mon visage ne semble plus afficher le moindre malaise ou regret, où mon corps et mon âme se confondent pour ne faire qu’un, où enfin je ne subit plus aucune pression que mon lourd passé impose à mon esprit.

Je suis une âme amante, libérée du joug tortionnaire de ses amours mortes, où quelque part j’ai abandonné mes derniers espoirs mais qui ici, au milieu de nulle part, au cœur de l’univers, me rendent plus fort, balayant le moindre à priori, rendant plausible la moindre hypothèse et transformant le doute en certitude !
Je suis armé du désir le plus ardent, affolant mes sens au point de vous envoûter, parcourant mon échine à fleur de peau et d’un regard offert, d’un baiser partagé, je suis celui qui changera la quiétude de vos nuits en tourments délicieux.

Bien qu’aujourd’hui tout cela me semble lointain, quelque part au fond de moi, subsiste encore cet aspect de ma personnalité, cet être passionné dont l’attrait pour ces moments inestimables où mes lèvres restaient rivées à celle de l’autre, où chaque nuit était attendue douloureusement tant ces précieux moments nocturnes étaient vitaux pour que mon âme puisse s’exprimée librement, pour qu’enfin, ne serais-ce qu’un instant, je sois en paix avec moi-même. Partager cette passion juste pour ne plus me perdre dans d’inutiles questions, comme si un baiser ardent pouvait anéantir toute forme de regret, de désespoir ou de doute. Apportant l’ivresse d’un instant, cette sensation d’immortalité de l’âme et de ses précieuses aspirations, même si au lever du soleil, il n’en restera que la sensation d’un rêve très charnel et le goût de ces baiser sur les lèvres, au fond du cœur...

Il y a là cette fille, que parfois j’aperçois, qui dans son regard renferme un trésor inestimable à mes yeux, qui aurait du rester inaccessible par une certaine forme de lâcheté qui parfois s’immisce dangereusement en moi, mais qui pourtant allait prendre place dans ma vie d’une façon aussi inattendue que désirable.
Là où parfois la logique semble imposer sa dictature, la nuit elle perd toute sa puissance, laissant place au hasard, à la destinée, bien que improbable mais pourtant bien réelle.

Au détour d’une nuit, au milieu de nulle part, elle allait entrer dans ma vie, dans mes nuits, comme un cadeau inattendu, comme un poison sans remède, comme une évidence……
Dans un regard parfois naissent les plus belles histoires mais pas toujours, mais dans son regard j’allais enfin exister, au risque de me perdre un peu plus...

4 commentaires:

  1. Bonsoir Juan,

    Très beau texte sur la force des illusions que nous nous construisons (et qui nous font lever le matin!)... Le début du texte est très poignant et fait naître des tas d'images dans ma tête!
    On retrouve ici encore le poids du regard social... Que va-t-elle penser de moi quand elle saura? Quand elle me connaîtra? On aimerais parfois être quelqu'un d'autre quand on croit qu'être soi n'est pas assez...
    Tu parles de la nuit et de son confort. Je suis d'accord avec toi pour dire que la nuit, les choses paraissent plus envisageables. On devient plus optimiste en quelque sorte. Et surtout, on a le sentiment d'être au plus près de soi-même... Ca me fait penser à ce que dit Emil Cioran quand il dit que "en plein jour, on se surveille ; dans l'obscurité, on dit tout."
    La fin du texte est excellente... Un regard peut suffire à se raconter toute une vie!
    Merci à toi encore pour cette belle lecture, Juan!
    See you! Crétois ou Iroquois! ;)

    RépondreSupprimer
  2. Merci Marie pour ton commentaire qui me fait très plaisir et merci pour les petites choses touchantes qui le parsème et qui me font me sentir un peu plus joyeux (l'adjectif pas le nain ^^) en ce début de week-end.
    J'ai toujours été un voyageur de la nuit, une partie de moi s'éveille quand le soleil s'en va...mon côté vampire sûrement lol !
    Et tu cites quelqu'un que j'aime énormément : Emil Cioran dont les phrases et les pensées accompagnent souvent les nuits...
    Une de ces phrases que j'aime énormément est :
    "Toutes les eaux sont couleur de noyade"
    Je te dis à bientôt Sioux-moi ou Crétois^^

    RépondreSupprimer
  3. Très heureuse de t'avoir apporté un peu de joie! ;)
    Cioran parle beaucoup de la nuit, en effet! C'est ce qu'il apparente le plus à l'état d'avant la naissance. Ne compare-t-on pas souvent le cours d'une journée à la vie? La nuit peut donc être la fin d'une vie (quand le soleil se couche) comme l'avant naissance (avant qu'il ne se lève).
    C'est une belle image la citation que tu fais de Cioran.
    Bon week-end à toi.

    RépondreSupprimer
  4. Merci Marie...et bonne semaine à toi du coup ^^

    RépondreSupprimer