dimanche 17 octobre 2010

Chapitre 13 : Juste vivre encore un peu


Comme chaque lundi je croisais cette fille au regard précieux, là où il me semblait que je pouvais exister et qui d'un sourire me rendait ma monnaie mais surtout me ramenais vers certaines sensations connues, aimées mais tant redoutées.
Elle était vraiment différente de toutes celles que j'avais connu, non pas physiquement mais pour une raison simple : elle était une fille du Soleil.

Le monde amoureux que je me suis créé au fil du temps est curieusement scindé entredeux.
D'une part il y avait les gens comme moi, noctambule, passionné, portant les stigmates des blessures de la passion sur une âme trop souvent mise à nue, ces êtes au romantisme acerbe, à la mélancolie suintant de chaque émotion, ceux pour qui le verre restait à jamais à moitié vide.
Nous étions les fils et les filles de la Lune.

De l'autre côtés vivaient les enfant du Soleil, ceux qui possédaient la grande majorité et possédaient l'arme la plus terrifiante et impitoyable qu'il soit : la normalité. Leur verre semblait à jamais à moitié plein et ils avaient su trouver leur place dans cette vie.
Souvent en couple ils avançaient dans une existence à la route tracée par leur destin et loin des sentiers chaotiques que la nuit étoilée offrait aux fous et aux mendiant, aux poètes et aux vagabonds, chemin de traverse où l'horizon semblait inaccessible mais au regard.

J'étais un de ces enfants égarés, déchirés par la passion et broyé par cette la solitude.
Fils de la Lune, rêveur fou au entraves de chair où l'âme tournée vers les cieux je n'aspirais qu'au bonheur le plus simple mais le plus improbable qui soit.
Aimer et être aimé mais sans jamais sombrer dans la routine, ni dans cette normalité où le simple fait de ne pas être malheureux était suffisant, où la passion une fois éteinte laissait place à un amour pour le moins amical, enchaînant ces enfants du soleil dans leur routine, dans leur émotions à la tiédeur sans goût aux tons pastels.

Cette vie je ne pouvais la concevoir, même si j'ai essayé de toute mes forces, cette forme de partage bien trop poli, trop discret et presque aphone ne put jamais me combler ou même me satisfaire.

Je voulais rester vivant dans le regard de l'autre, encore aimer intensément, comme si c'était la dernière fois que je serais ma compagne dans mes bras, comme si mes lèvres n'avaient plus qu'un ultime baiser à offrir, comme si nos corps n'avaient plus qu'une danse sensuelle à partager.
Entretenir ces braises ardentes quitte à me battre un peu plus chaque aube naissante pour que chaque nuit à venir soit une nouvelle célébration, que dans mon regard l'autre reste la seule, l'unique trésor qu'il pouvait me rester et que jamais je ne puisse me lasser de la regarder quand elle passerait devant moi même sans me remarquer.

Continuer à assister à son réveil avec le même ravissement, quand enfin Morphée la laisserait revenir vers moi, juste la regarder et, délicatement pour préserver la magie de l'instant, effleurer ses lèvres par un tendre baiser afin qu'elle n'oublie que j'existe.

Ne jamais mettre en question la confiance offerte par le premier baiser mais ne jamais chasser le doute de notre relation.
Ne plus douter sur la présence de l'autre et de son amour est le premier pas vers la monotonie, vers la certitude et la lassitude.
Ce doute qui nous pousse à toujours offrir plus ou mieux mais encore et toujours, juste pour conserver l'espoir qu'au prochain matin la magie se renouvelle...
Mais c'était trop espérer, trop demander que de vouloir préserver la passion, contenir ces flammes aux milles parfums dans nos regards, il fallait se rendre à l'évidence et accepter que tout cela ne devienne que cet amour, suffisant pour beaucoup, mais qui semblait tellement vide et insuffisant pour moi.

Je ne sais plus quand tout cela a commencé, quand ce mal s'est immiscé en moi, mais je ne peux que constater les nombreux dégâts qu'il a engendré dans ma vie, les meurtrissures qu'il a infligé à mon regard et les profondes entaillés qu'il a gravé dans mon cœur.
Enfant de dame Lune aux yeux brillants par les larmes ne pouvant s'extirper de leur geôles fabriqués par ces enfant du soleil, mais dont chaque aspiration n'est emplie d'aucune trahison, ni aucun mensonge, juste par une dernière complainte, une ultime prière pour qu'enfin se réalise ce doux rêve où l'amour restera comme au premier instant, non pas figé, mais dansant, riant, caressant et désirant.
Regarder les étoiles en se rappelant que le songe était beau, que le goût de la peau de l'autre était d'une pureté incandescente te ne jamais oublier ces regards où enfin j'existais, pour une heure, une nuit...

Il y a là cette fille du Soleil qui ne devrait pas m'attirer, dans son regard je ne devrais même pas exister, et pourtant...
Et si elle détenait la clé qui répondrait aux incessantes questions qui m'assaillent depuis trop longtemps ?
Si je m'étais fourvoyé depuis le commencement, que je m'étais trompé de route et n'avait pris en considération que l'appel de mon cœur ?
Ni avait-il pas là quelque chose d'implacablement logique ?
Les enfants de Lunes étaient peut-être destinés aux enfants du Soleil ?
Pour que le verre soit enfin, rempli n'était-ce pas la vraie solution ?
Je n'avais jamais côtoyé d'aussi près les réponses que je cherchais, je n'avais jamais considéré ces filles, différentes de moi comme un éventuel complément à mes manquement, comme un contre poids à mes heures sombres, comme une moitié qui pouvait parfaitement s'assembler à mon âme.

Au bout de ce parcours, je détenais l'illusion d'une solution que mon esprit et mon cœur semblaient partager, comme si pour eux cette idée les satisfaisait.
Pour la première fois je ressentais un doute concernant ces certitudes, sur ce miroir où j'espérais trouver mon reflet : ce n'était pas le miroir qui importait mais le reflet qu'il pouvait me renvoyer.
Je quittais cette fille du Soleil avec en moi le sentiment qu'enfin je pouvais survivre ou au moins juste vivre encore un peu, ne serais-ce qu'une dernière fois, avant que la fin ne survienne, que les murs de désespoir que j'avais battit autours de mon cœur ne soient trop hauts...

Pourtant, au fond de moi, il y a avait là cette ultime certitude, ce dernier message gravé à quatre mains sur mon âme endolorie : il était déjà trop tard, même juste pour vivre encore un peu, beaucoup trop tard...

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